Flint

Flint Production

Doit-on craindre une pénurie de bois ?

Doit-on craindre une pénurie de bois ?

En bref :

Après les semi-conducteurs et les métaux critiques, c’est au tour du bois d’être victime de la crise sanitaire. Alors que le marché du bois en Chine explose et que des millions d’Américains ont profité d’aides à la rénovation de leur logement en 2020, l’industrie forestière européenne, notamment française et allemande, peine à suivre la cadence – ce qui se ressent jusque dans les papeteries. 

💡 Pourquoi c’est intéressant ? Alors que les pays développés cherchent le meilleur moyen d’accomplir leur transition énergétique, le bois constitue une alternative crédible aux énergies fossiles, mais il n’est pas produit de manière équivalente partout sur le globe. Or, en période de pandémie, et alors que chacun tente de concilier environnement, économie et politique, le fragile équilibre entre l’offre et la demande se retrouve bousculé. 

👉 Les articles payant sont signalés par (€), ceux en anglais par (🇬🇧)

Les faits : 

🪵 Production de bois dans le monde

– Les ressources forestières sont inégalement réparties dans le monde comme le recense le site de la FAO (Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture). 54% des forêts sont réparties entre 5 pays : la Russie (20%), le Brésil (12%), le Canada (9%), les États-Unis (8%) et la Chine (5%). Our Wold in Data (🇬🇧) permet de visualiser la répartition forestière pays par pays.

– Selon les chiffres 2020 de la FAO, ces 5 pays sont aussi les principaux producteurs de la filière. Leur ordre évolue simplement selon le type de bois et l’usage (conifères ou non, pour du bois rond industriel, du bois de chauffage, des granulés de bois, des panneaux…). Dans certaines catégories, d’autres États parviennent aussi à se démarquer comme l’Allemagne, la Pologne, l’Autriche, l’Inde, la République démocratique du Congo, l’Éthiopie…

🇫🇷 Quels enjeux pour la filière du bois en France ?

– Pourquoi ce matériau est-il au centre des attentions ? Selon Le Monde de l’Énergie, le bois-énergie (c’est-à-dire le bois utilisé en tant que combustible) est la première source d’énergie renouvelable produite en France (à hauteur de 40% – voir un éclairage sur cette ressource dans Forbes). 

– On lit dans le rapport de France Bois Forêt, qu’en 2017, 70% de la production de chaleur renouvelable française venaient du bois-énergie. Le bois-énergie y est d’ailleurs jugé “essentiel pour donner à la France les moyens de répondre à ses engagements nationaux et internationaux concernant la transition énergétique et la lutte contre le changement climatique.

– Dans le secteur du bâtiment, le bois est un matériau qui doit permettre de réduire l’empreinte carbone des constructions : durabilité, meilleure isolation, stockage de carbone…

❓ Qui est concerné en France ? 

– En première ligne, l’industrie du BTP pâtit de l’allongement des délais et de la fluctuation des prix, comme le rapporte ici l’Union ou BFM Business. Selon une mesure du Grenelle de l’environnement, d’ici 2022, “toutes les nouvelles constructions devront intégrer du boisrappelle Europe 1. À ce jour, une maison française sur dix a été bâtie avec du bois, généralement importé d’Allemagne ou d’Autriche. 

– Si les magasins de bricolage peuvent compter sur leurs stocks effectués en amont, les menuisiers, les scieries et autres professionnels du bois s’inquiètent pour leur activité comme le relate France info ou Capital. Beaucoup d’entreprises craignent de ne pas pouvoir tenir leurs projets en raison des prix trop élevés, ou manquent d’activité puisque « depuis six mois, 35 à 100% des volumes de chênes de la forêt privée partent à l’export”. Les papetiers, qui produisent la pâte à papier, se retrouvent à aller chercher la matière première, les copeaux de bois, ailleurs en Europe, et parfois même sur un autre continent.  

– Tout au bout de la chaîne, chocolatiers et cavistes ont du mal à s’approvisionner en emballages, rapporte le Journal de Haute-Marne. Et Actualitté d’expliquer que les papetiers, déjà sur-sollicités pour la production de cartons de livraison pendant les confinements, sont sous pression.

🌎 La géopolitique du bois 

– Comme l’explique Nicolas Douzain Didier, délégué général de la Fédération nationale du bois (FNB) à France Culture, le dérèglement du marché du bois a débuté aux États-Unis, en octobre 2020, lorsque les citoyens américains ont pu bénéficier d’une aide de l’État pour rénover leur habitat, construits à 90% en bois. Les scieries américaines ayant au contraire misé sur une baisse de la demande, cela a entraîné un déséquilibre entre l’offre et la demande : “Aux États-Unis, suite aux subprimes, beaucoup de scieries ont fermé et il y a eu énormément d’accidents climatiques l’année dernière, ouragans, incendies… À cause de cela, ils n’ont pas assez de production.

– En raison de ce manque de production et de la forte augmentation des prix du bois sur leur territoire, les États-Unis ont donc dû se fournir ailleurs, notamment de l’autre côté de l’Atlantique, où ils achètent à un prix plus élevé que sur leurs marchés habituels (le Figaro). 

– La Chine, qui capte 70% des exportations de bois russe selon La Dépêche, a décidé en 2017 de mettre fin à l’abattage de ces forêts naturelles pour 99 ans, malgré des surfaces forestières conséquentes. Résultat, l’Empire du Milieu ne produit plus autant de bois qu’avant. En parallèle, la demande chinoise explose : fort attrait de la nouvelle classe moyenne pour le mobilier en bois, augmentation de l’urbanisation, premier pays producteur mondial de meubles en bois, comme l’explique Le Figaro (€). Les entreprises chinoises se voient obligées d’aller chercher leur bois en Allemagne (à lire dans Nouvelles du monde) et en France (dans Challenges), et font de la Chine le premier importateur de bois au monde.

– La Russie a décidé de limiter les exportations de son bois dès 2022 afin de prioriser sa consommation intérieure. 

– En Afrique, les pays du bassin du Congo, le “coeur vert de l’Afrique” (Cameroun, République centrafricaine, République démocratique du Congo, République du Congo, Guinée équatoriale et Gabon) envisagent eux aussi d’interdire les exportations de grumes de bois (troncs coupés, ébranchés et encore pourvus de leur écorce) dès 2023 “pour inciter les exploitants forestiers à la création d’un peu plus de plus-value locale”. Actuellement, la région exporte beaucoup son bois vers la Chine

📉 Un retour à la normale ?

– Nicolas Douzain Didier estime qu’on ne peut pas parler de pénurie, “puisque il y a suffisamment d’arbres dans les forêts dans le monde pour servir la demande” mais d’un souci de logistique dans la production et l’approvisionnement de cette matière première. 

– La réouverture de l’économie a inversé la tendance. L’offre a repris, tandis que la demande a retrouvé un niveau plutôt normal, notamment aux États-Unis : baisse de la demande de construction, moins de bricolage, etc.

– Les prix du bois, eux, n’ont pas encore retrouvé leur valeur d’antan (€). Leur baisse est significative mais ils restent à un niveau “historiquement élevé”.

Pour compléter ou corriger cet article et apporter vos sources, 📝 rendez-vous sur sa version participative ou venez 💬 en discuter avec nous sur Discord