À la recherche du temps volé


Cher(e) toi,

Je t'écris depuis une joile terrasse, toute blanche, le soleil se couche paresseusement, pas vraiment pressé de quitter la douceur du soir. Le silence est troublé par le seul chant de l'eau, l'eau des rizières.

Devant moi des cocotiers à la pousse indocile. Un animal étrange pousse une sorte de glouglou placide et joyeux, au loin. Et puis il y a toujours un coq dans les parages qui cherche à faire le malin. À Bali, les coqs sont toujours heureux et fiers d'exister, et ils doivent se dire que la terre entière doit le savoir.

❤️ Si tu ne me connais pas, je me présente : je suis Benoît Raphaël, co-fondateur de Flint. Et un dimanche sur deux, je réfléchis avec toi sur la façon dont nous pouvons parvenir à penser par nous-mêmes dans le chaos de l'info. D'ailleurs, si on t'a fait passer cette lettre,tu peux t'abonner ici.  Aujourd'hui je te propose de partir à la recherche de ton temps perdu, de remplacer l'avion par... autre chose, de vérifier si l'auteur de Sapiens dit n'importe quoi ou bien, et de découvrir un outil fascinant pour écrire des romans avec l'IA.❤️



J'avais pas mal de choses à t'écrire. Depuis mon retour à Bali, j'ai beacoup travaillé, beaucoup réfléchi, sur ce que ces 10 mois en Asie m'avaient appris, sur ce que les deux mois en France qui ont suivi m'avaient fait comprendre sur la manière dont nous nous enfermons parfois dans le confort de vies qui ne nous conviennent pas. 

Nous vivons en permanence avec le sentiment d'évoluer dans un monde chaotique, nous résistons à ses absurdités comme la peau se tend au contact d'un vent glacé, nous sommes paralysés. 

Et pourtant. 

Il y a ces moments où la vie nous réveille avec son incroyable évidence. Ces moments existent, ils sont rares, nous disons-nous, mais peut-être ne prenons nous pas le temps d'aller les cueillir. Comme s'il y avait toujours quelque chose de plus important, de plus sérieux à faire.

Je voulais t'écrire longuement ce matin, mais j'ai finalement choisi de partager avec toi ce petit moment de grâce au coucher des rizières. Hier soir, mes doigts se sont restés suspendus au dessus du clavier. Il y a eu ce silence bruissant. Tandis qu'autour de moi le monde s'endormait dans un joyeux sommeil. 

Parfois le monde peut attendre. 

En fait il peut toujours attendre. 

On se flagelle souvent de ne rien faire, on appelle ça la procrastination. Parfois il faut agir, bien sûr, parfois la peur nous fait somnoler. Et pourtant. 

Il est parfois tellement important d'oser attendre. Laisser le soir s'installer, le silence perdre notre temps, la nuit s'ouvrir de rêves. Tu te souviens de l'école buissonnière ? Ce moment où, sur le chemin de l'école, tu décidais finalement de ne pas y aller ? Tu te souviens de ce piquant sentiment de culpabilité, tandis que tu sentais un super pouvoir s'éveiller en toi ? 

Ce pouvoir du temps retrouvé. 

Le temps ne s'achète pas. Il se vole toujours.
🚂 TCHOU TCHOU

Une alternative à l'avion ?


Dans ma dernière lettre, j'évoquais l'idée selon laquelle "il faudrait développer des alternatives à l'avion. Si l'on peut travailler depuis n'importe où, pourquoi ne pas imaginer des trains ou des bateaux qui feraient le tour du monde en quelques jours pour un prix raisonnable ? Ça ralentirait le temps et ça ouvrirait le monde à nouveau. On retrouverait les émotions voyageuses du poète Gérard de Nerval.".

Je me demandais (et te demandais) dans quelle mesure je ne pourrais pas essayer de faire Paris-Bali en train la prochaine fois. J'avais rajouté "Haha".

Alors j'ai reçu pas mal de réponses avec quelques options. Par exemple, Maud m'a envoyé une série d'initiatives permettant de faire des "longs-courriers" mais en bateau. CMA/CGM propose de voyager en cargo jusqu'en Asie, à partir de 100€/jour. Bon, le voyage dure entre 70 et 80 jours quand même ! Si ça t'intéresse tu peux regarder les destinations et les tarifs ici.

Sur LinkedIn, un lecteur m'a interpellé sur ce post, qui propose un parcours alternatif aux deux autres routes historiques (aujourd'hui impraticables à cause des conflits) en train. Il y a bien une troisième voie ferrovière ! Elle est un peu compliquée, mais ça s'étudie...

Le voyage passe par l'Autriche, la Turquie, l'Azerbaïdjan, la Chine, la Malaisie... avant d'arriver en Indonésie, avec quelques raccourcis en bateau. L'article a été écrit par une plateforme associative pour voyager différemment. Bon, il propose une jolie carte, mais le voyage n'est pas proposé sur leur site...


Je vais réfléchir à tout ça pour 2024... et je suis preneur d'autres idées moins galères.
🙈 DES NOUVELLES DE SAPIENS

Yuval Noah Harari raconte-t-il n'importe quoi ?


(Photo : David Payr)

Cette semaine j'ai découvert le travail d'une scientifique méconnue. Sarah Spiekermann est autrichienne, elle travaille à l'Institut sur les systèmes d'information et la société à Vienne. Avec son équipe, elle a analysé le best seller de l'historien Yuval Noah Harari, "Homo Deus". Un ouvrage de prospective qui raconte comment l'humanité sera remplacée (ou contrôlée) par l'intelligence artificielle.

J'aime bien les livres de Harari (enfin surtout "Sapiens") mais j'avoue avoir été un peu gêné par "Homo Deus". L'historien sort de sa compétence initiale pour prédire le futur, à partir d'affirmations un peu rapides selon lesquelles l'être humain ne serait finalement qu'un assemblage d'algorithmes biologiques. Un assemblage dont le prochain dieu pourrait être une IA.

Idée intéressante mais absolument pas scientifique, me disais-je.

Eh bien, Sarah Spiekermann a analysé, avec son équipe de chercheurs, 268 passages de Homo Deus, et en particulier ses affirmations sur la technologie. Et voici ses conclusions : 

"1. Harari surestime la technologie 
2. il propage une vision réductionniste de l'humanité 
3. il décrit un impératif d'amélioration humaine et 
4. il présente son histoire comme inévitable, bien qu'en tant qu'historien, il devrait savoir que l'histoire n'est jamais strictement causale et qu'elle se déroule toujours différemment de ce qui est attendu."

En gros, explique-t-elle Harari, sous des semblants de neutralité, propage une idéologie transhumaniste et un peu bullshit.

Idéologie qu'elle définit selon ces 4 grandes idées :
- Les humains sont des algorithmes biologiques
- L'intelligence émotionnelle est défectueuse (tout comme l'intuition)
- La biologie peut être répliquée technologiquement
- Le corps humain est un container destiné à nourrir le cerveau

Ce qui signifie, selon les transhumanistes, que si l'on remplace les algorithmes biologiques (défectueux donc) par des algorithmes beaucoup plus efficaces, pourquoi pas ? Harari ne dit pas que c'est bien (il s'en inquiète plutôt), mais que c'est inévitable. Or cette vision ne répond à aucun constat scientifique actuel (notamment les travaux du neurologue Antonio Damasio), et ne tient pas non plus compte de la réalité de l'arbre des avancées technologiques. 

"Ces petites réalités, aussi insignifiantes soient-elles, incitent l'historien à surestimer désespérément la technologie", écrit-elle.

Bref. On joue à se faire peur. 

Sauf que, ajoute-t-elle, ces idées dystopiques (et imaginaires) sont très répandues dans la Silicon Valley, et même chez les politiques. Nous semblons les accepter comme inéluctables, sans réfléchir aux alternatives. Selon elle, d'autres voies sont possibles, et l'Europe aurait son rôle à jouer.

"Les histoires de la Silicon Valley captivantes nous font croire que nous sommes tous destinés à évoluer vers une superintelligence robotique et cosmique. C'est un récit dont l'industrie des technologies de l'information tire profit".

Faut-il légiférer ? Oui mais il y a danger, et pas forcément là où on le croit. La scientifique nous prévient du risque qu'il y aurait à céder à la tentation de règlementer ce qui relève encore de l'imaginaire : 

"Pourquoi nous en Europe nous soumettons-nous à un "esprit de l'époque" qui ne semble pas bénéfique pour les citoyens européens et qui est même en contradiction avec l'héritage et la culture européens, bien plus riches que la sombre science-fiction ? Pourquoi allons-nous jusqu'à promulguer des lois en prévision d'un tel avenir, reconnaissant ainsi son inévitabilité ?"
 
Soyons vigilants, certes, mais conservons notre esprit critique (et donc l'esprit ouvert !) vis à vis de nos outils numériques.

"[L'Europe] doit éduquer une génération de gestionnaires, d'entrepreneurs, d'innovateurs et d'ingénieurs (...) capables de distinguer la vraie valeur humaine et sociale du gain monétaire et qui peuvent guider les entreprises, les institutions et les projets vers la création de quelque chose de bon pour sa propre cause - plutôt que de créer ce que Martin Heidegger aurait appelé un "truc" pour une introduction en bourse initiale."
🧰 TROUVAILLES
Sudowrite : l'IA qui t'aide à écrire des romans (ou les écrit pour toi)
sudowrite.com - 18 juin
Sudowrite : l'IA qui t'aide à écrire des romans (ou les écrit pour toi)

Attention, voici peut-être l'outil de l'écrivain du futur. Un assistant piloté par l'Intelligence artificielle qui peut t'aider à écrire la suite de ton chapitre, mais aussi te permettre de gérer tes personnages, ou les inventer, ou les détailler pour toi. Il t'aide à ajouter des descriptions (plus d'odeurs s'il te plait, ou plus de description du paysage). Il peut te suggérer des options pour la suite de l'histoire etc. Il y a même un espace communautaire pour apprendre à écrire ensemble. Sudowrite est une plateforme d'écriture automatisée basée sur les modèles Transformer GPT-3 et GPT-4 (les mêmes que ChatGPT), qui permettent de générer jusqu'à 14 000 morceaux de prose uniques par jour. Sudowrite analyse les caractères, le ton et l'arc de l'intrigue pour générer les 300 mots suivants, et propose également des idées de caractère et de trame. La plateforme comprend également des outils pour aider à l'organisation de l'écriture et pour visualiser les personnages et les lieux. Bien que Sudowrite soit capable de plagier si on le lui demande, la plateforme recommande de ne l'utiliser que pour créer sa propre écriture originale. La plateforme a été créée par les écrivains Amit Gupta et James Yu et compte parmi ses investisseurs les fondateurs de Twitter, Medium et WordPress, ainsi que les écrivains/réalisateurs de films tels que Big Fish et Aladdin. La plateforme n'est qu'en anglais pour l'instant, mais elle est passionnante à explorer et tester. Elle nous fait réfléchir sur ce qu'est le processus créatif : l'IA peut-elle nous aider ? Comment allons-nous écrire nos histoires demain ? Fascinant !

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🧚‍♀️ Je te souhaite un bon dimanche. Prends un livre, va marcher, fais le contraire de ce que tu avais prévu. Tu me diras ce que tu as découvert. 

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💚 Benoît
Flint

Cette lettre a été réalisée par Flint Business. Flint utilise l'intelligence artificielle pour te permettre de créer des newsletters intelligentes en moins de 5 minutes afin de partager les meilleurs contenus d'information trouvés sur Internet, et d'y apporter (si tu veux) ton expertise. Tu peux tester ce nouveau service pendant 30 jours en cliquant sur le logo Flint ci-dessus ! ☝️