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Lutter contre les fausses informations, une priorité ?

Lutter contre les fausses informations, une priorité ?

Je viens encore de voir qu’une conférence se tenait bientôt sur comment nous devions informer en pleine « infodémie » (sous entendu de mésinformation et de désinformation) et ça m’a donné envie de vous faire une petite explication sur un de mes avis qui a changé récemment. 

Il y a encore quelques mois, je pensais que lutter contre les fausses nouvelles était une priorité. Je pensais aussi que nous étions dans une époque où nous n’avions jamais connu autant de désinformation. 

Je ne me basais pas sur grand-chose pour croire cela. De l’intuition, le fait que cela semble admis par tous. Désormais, je suis un petit peu plus familier de la littérature sur ces questions (j’ai lu quelques articles, je ne suis pas un expert) et j’en ai surtout parlé avec des chercheurs dans le domaine comme Sacha Altay, postdoctorant spécialisé dans les questions de mésinformation et de défiance envers l’information. Et mon avis sur ces questions a bien changé. Pourquoi ?  

Premièrement, il n’est pas si évident que nous soyons au sein d’une période d’infodémie. Dans les quelques articles de la littérature que j’ai pu lire, ce sont surtout les médecins qui reprennent ce terme sans trop le questionner tel un postulat. Les chercheurs en sciences de l’information et de la communication sont beaucoup plus critiques à ce sujet.

Deuxièmement, la prévalence de la désinformation en ligne est faible, contrairement à l’intuition que l’on peut avoir. En tout cas, selon les données actuelles, elle est bien plus faible que celle des informations fiables.

Troisièmement, l’efficacité du fact-checking est assez modeste, probablement parce qu’il touche beaucoup plus ceux qui sont déjà convaincus par son propos et moins ceux qui ne s’informent pas et ceux qui s’informent via des sites qui publient de la désinformation.  

Quatrièmement, compte tenu de tout ça, peut-être faudrait-il revoir nos objectifs et se demander comment intéresser / informer ceux qui éprouvent une méfiance généralisée vis-à-vis de l’information. C’est le dur problème de la confiance (blague de niche pour les philosophes). 

Je suppose que beaucoup de gens ont réfléchi et réfléchissent encore à ce problème en sciences humaines et sociales, en info-com et chez les journalistes. 

Bref, tout ça pour dire que j’ai l’impression qu’on se focalise beaucoup sur ces « problèmes » dont le niveau de preuve en ce qui concerne l’existence et les interventions pour le contrer ne sont pas si robustes qu’on pourrait le croire.

Evidemment, tout cela peut sembler assez trivial pour celles et ceux qui avaient déjà accumulé des connaissances sur le sujet. 

En fait, le truc qui m’inquiète un peu, c’est que j’ai l’impression que l’obsession (le mot est un peu fort) pour ces « problèmes » est aussi présente dans le monde de l’info et de l’éducation aux médias. 

Je vois beaucoup d’interventions ou de conférences se concentrer sur ces deux problématiques alors que celle de la confiance semble un peu délaissée alors qu’elle me semble désormais plus importante. 

Mais elle est également plus complexe, ce qui explique peut-être en partie pourquoi elle est moins évoquée ou mise en avant. 

Voilà, c’est tout pour cet article, merci aux courageux·euses qui ont lu tout ça un vendredi soir !

PS : j’ai oublié de parler du lien souvent pris pour acquis entre désinformation et comportement : c’est vraiment pas si simple et peu de données attestent d’un tel lien même si j’émettrais personnellement l’hypothèse que c’est peut-être différent dans le domaine de la santé.

✍️ L’auteur de l’article : Julien Hernandez est journaliste scientifique pour Futura Sciences, Le Figaro et Polytechnique Insight, la revue en ligne de l’Institut polytechnique de Paris. Il s’intéresse particulièrement aux sciences médicales, à la philosophie des sciences, à la biologie humaine, à la psychologie cognitive et sociale ou encore à la didactique des sciences. 

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