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Faut-il passer à la semaine de 4 jours en France ?

Faut-il passer à la semaine de 4 jours en France ?

En bref :

Et si le week-end commençait le jeudi soir, chaque semaine, toute l’année ? En Islande, pendant 4 ans, 2 500 employés ont expérimenté la semaine à 4 jours de travail, l’équivalent d’environ 35 heures, avec un salaire identique. Les résultats sont très convaincants, les salariés contents, et le modèle inspirant. Mais est-ce que la France est prête à passer le cap ?

🗒️ Pourquoi c’est intéressant : Plusieurs pays expérimentent ces semaines allégées, et en France, l’allongement de la durée du temps de travail est présenté par l’Institut Montaigne comme une solution pour «rebondir face au Covid-19». Si supprimer un jour de travail par semaine peut s’avérer vertueux, cela reste un système qui possède ses failles. 

Les faits :

💡 D’où vient cette idée ? En France c’est dans les années 1990 que l’idée d’une semaine à 4 jours de travail est esquissée. En 1996, la loi Robien autorise la semaine de 4 jours, allège les cotisations patronales de sécurité sociale, mais oblige en contrepartie les entreprises à embaucher au moins 10% de CDI. La loi Aubry de 1998 sur les 35 heures rend caduque ce texte, et réduit à néant les espoirs de cette semaine allégée.

– En 2019, un sondage de l’éditeur de paie ADP dévoile que 60% des Français interrogés sont favorables à la semaine de 4 jours. 83% d’entre eux sont même prêts à réaliser des journées plus longues pour avoir la 5e de libre. En Espagne, au Royaume-Uni ou au Pays-Bas, où l’étude a également été menée, la mesure séduit aussi à plus de 60%.

🤔 En quoi ça consiste ? En France, deux modèles se présentent pour cette semaine de 4 jours : une réduction du temps de travail hebdomadaire entre 30h et 34h et le maintien de la rémunération d’une semaine de 5 jours. Ou alors, le maintien des heures hebdomadaires (35h ou 39h), avec des journées plus longues. 

– Quelques entreprises françaises ont décidé de sauter le pas pour toute ou une partie de l’année. 

🌍 Et dans le monde ? Plusieurs pays ont déjà expérimenté des semaines de travail plus courtes. 

– Certains états américains comme le Colorado ou l’Oklahoma ont décidé d’adopter ce rythme dans le milieu scolaire. Des entreprises japonaises ont décidé d’offrir le lundi matin aux employés, dans un pays où l’excès de travail constitue un risque de décès pour un salarié sur cinq. La confédération syndicale britannique Trades Union Congress plaide pour une semaine universelle de quatre jours d’ici à la fin du 21e siècle. 

– En mai 2020, la première ministre néo-zélandaise Jacinda Ardern annonçait vouloir instaurer la semaine de 4 jours dans tout le pays, à la sortie de la crise du Covid-19. Son principal argument ? Offrir plus de temps libre à ses compatriotes pour relancer le tourisme de l’île, mais aussi pour passer du temps en famille. 

🤔 Un jour en moins, qu’est-ce que ça change ? 

– Dans une expérience menée par l’entreprise Perpetual Guardian et l’Université d’Auckland sur 240 salariés, on observe que leur productivité quotidienne a augmenté puisqu’elle est restée la même sur 4 jours que sur 5, leur stress a diminué et l’équilibre entre leur vie professionnelle et personnelle s’est amélioré. Les salariés ont consacré davantage de temps à leur famille, à la pratique d’un loisir, ont pu ressentir «que l’entreprise se souciait de leur bien-être» et ont même «signalé une moindre exigence perçue au travail».   

– En août 2019, Microsoft a également mené l’expérience dans sa filiale japonaise, en fermant l’entreprise le vendredi. Conclusion : une productivité des salariés en hausse de 40% par rapport à août 2018. Sur les 2 300 salariés concernés, 92% d’entre eux étaient satisfaits de ce nouveau rythme. Ajouté à cela, une diminution, logique, de la consommation d’électricité (-23%) et de sa consommation de papier d’impression (-60%). 

– Selon une étude menée au Royaume-Uni par le collectif 4-Day Week et l’association Platform, une semaine de 4 jours permettrait de réduire l’empreinte carbone du pays, de 127 millions de tonnes de CO2 par an d’ici 2025, soit l’équivalent du rejet de 27 millions de véhicules. 

– Le journaliste Thibault Lieurade voit dans la réduction du temps de travail «un progrès économique et social, ainsi qu’un coup de pouce inespéré pour le secteur des loisirs». 

– Pour Gudmundur D. Haraldsson, chercheur à l’Association for Sustainability and Democracy (Alda), l’expérience en Islande prouve «qu’il est possible de travailler moins, même dans les temps modernes, mais également qu’un changement progressif est possible». 

– Selon Aidan Harper, membre de 4-Day Week, ce schéma de travail peut particulièrement séduire les jeunes couples «désireux d’équilibrer les heures de garde des enfants et un travail rémunéré plus équitablement» entre femmes et hommes. 

Pourquoi hésiter ? 

– Certains cadres dirigeants estiment cette mesure contre-productive, car ils trouvent «impossible de gérer [les] équipes sur seulement quatre jours [et] qu’il était impossible de faire tenir leur travail dans quatre jours» rapporte Laurent de la Clergerie, dont l’entreprise LDLC a tout de même adopté ce système en 2021. Cela va aussi à l’encontre du management en France, «très hiérarchisé et basé sur le contrôle, ainsi que sur la culture du présentiel». Rester tard au bureau permet de prouver sa productivité à ses chefs, ajoute Isabelle Rey-Millet, professeur de management à l’Essec. 

– Plus généralement, la réduction du temps de travail pourrait porter préjudice à certains secteurs industriels, où «la performance se mesure par le temps et non pas par la productivité», contrairement aux secteurs où la performance intellectuelle n’est pas extensible. 

– Ce changement de rythme oblige également les entreprises à trouver des ajustements administratifs et professionnels, notamment si les salariés ne s’absentent pas le même jour. 

– En 2015, la société américaine Treehouse a décidé de réduire ses semaines à 32 heures de travail. Mais pour le fondateur Ryan Carson, cela «a généré […] un manque d’éthique du travail. En fait, c’était une très mauvaise idée». En 2016, l’entreprise a fini par revenir à des semaines de 5 jours. 

– Pour Joyce Maroney, ancienne directrice du Workforce Institute à Kronos Incorporated, «il n’existe pas un modèle unique». Pour elle, la responsabilité revient aux employeurs qui doivent savoir identifier les objectifs réalisables de l’entreprise et savoir comment «aider les personnes à concilier bien-être physique et besoins hors du travail avec des objectifs de productivité».

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