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Faut-il des forêts dans les villes ?

Faut-il des forêts dans les villes ?

En bref :

Alors qu’au lancement de la campagne pour les élections municipales en 2019, Anne Hidalgo avait annoncé la création de «forêts urbaines» à Paris, deux ans après, aucune forêt à l’horizon, le bitume a pris racine. J’ai voulu savoir ce que de tels projets peuvent apporter comme bénéfices pour les citadins, mais aussi ce qui freine leur mise en place.  

💡 Pourquoi c’est intéressant ? Si, en surface, ces projets font rêver visuellement et que leurs vertus environnementales et sanitaires plaident en leur faveur, se renseigner sur les détails de mise en œuvre permet de comprendre pourquoi ils ne font pas l’unanimité. 

Les faits : 

🤔 Avant tout, qu’entend-on par «forêt urbaine» ? Pour le paysagiste Michel Desvigne, actif dans le monde entier, il s’agit d’une «typologie de paysage miniature» composée «comme un milieu vivant, avec la couche arbustive, les fougères, les lianes, les arbrisseaux, les grands arbres». 

🤔 À quoi ça sert ? Les bénéfices sont multiples, tant pour l’environnement que pour notre santé. 

– Les études sur le sujet concluent à une amélioration de la qualité de l’air, à l’atténuation du réchauffement climatique et à une réduction du phénomène des îlots de chaleur en ville. L’ONG The Nature Conservancy estimait qu’à proximité des arbres urbains, les particules en suspension dans l’air étaient réduites de 7 à 24%, tandis que l’Institut Montaigne évalue entre 3 400 et 8 500 tonnes la quantité de CO2 que pourrait absorber chaque année les 170 000 arbres prévus par la Mairie de Paris par an. Une meilleure qualité de l’air veut aussi dire moins de problèmes respiratoires et donc des économies pour le système de santé. 

– La présence d’arbres en ville peut également avoir un impact psychologique : une étude parue dans Scientific reports en 2015, menée à Toronto, concluait à une amélioration de la santé mentale, en terme de perception. Une autre étude, australienne, de 2019, est parvenue à établir un lien entre l’exposition aux arbres et la diminution des risques de détresse psychologique, car les feuilles vertes «procurent un apaisement sensoriel dans “un environnement dominé par les angles droits, les surfaces dures et les publicités”». Une observation partagée par le Journal of the American Medical Association (JAMA) dans une étude de 2018.

– Mais comme le détaille Wissal Selmi dans sa thèse doctorante de 2016, il n’existe qu’un «nombre limité d’études» sur l’évaluation des bénéfices apportés par les espaces végétalisés en milieu urbain. Autrement dit, il manque encore trop de données pour mesurer précisément l’impact de ces espaces. 

🌳 Pourquoi ne pas planter des arbres partout ? Parce que, comme pour tout projet, il existe aussi des contraintes. 

Certains arbres, comme le chêne, le platane ou le peuplier, très prisés dans les villes européennes, émettent des composés volatiles solubles, comme l’isoprène. Ils transforment les oxydes d’azote rejetés par les véhicules en ozone, gaz potentiellement toxique en cas de fortes concentrations. D’autres arbres sont à l’origine d’allergies chez la population, de plus en plus sensible. L’if, le pin commun ou le tamaris à petites fleurs sont à privilégier

– Dans une étude menée dans la ville de Los Angeles, les chercheurs ont montré que les 18 millions de palmiers mexicains et de chênes étaient responsables de 25% des émissions d’aérosols les jours de fortes chaleurs. Une étude de la National Library of Medicine explique que les arbres, par leur couverture, réduisent la ventilation de l’air, qui est nécessaire à la dilution des polluants dans l’air. 

– Caroline Mollie, architecte paysagiste et autrice de Des arbres dans la ville, qualifie ces projets de verdissement de la ville d’«arnaque» car «sous prétexte de végétaliser la ville, de faire baisser la température, on plante n’importe quoi, n’importe où, n’importe comment». Elle regrette également qu’aujourd’hui, «plus personne ne respecte le temps du végétal» ce qui est dommageable car pour un maximum d’effet, «un arbre doit avoir au moins une trentaine d’années».

– En 2011, une étude anglaise parue dans Landscape and urban planning estimait que dans un espace urbain comme l’Autorité du Grand Londres, passer de 20 à 30% d’arbres ne permettrait de réduire les particules polluantes que de 2,6%. 

– À Paris en particulier, c’est la faisabilité des projets qui est remise en cause : un manque de profondeur (en raison des métros) pour planter les arbres en pleine terre à Opéra, l’impossibilité de remplir les parkings souterrains de terre en raison du poids à Gare de Lyon ou à l’Hôtel de Ville et de potentiels conflits d’usage car comme le souligne l’élue écologiste Chloé Sagaspe «la gare de Lyon comme l’Hôtel de ville sont des lieux de passage de manifestations, de cérémonies diverses».

🌍 Est-ce qu’il y a des exemples réussis dans le monde ? Pas d’exemple concret mais des projets, plus ou moins aboutis. 

– En 2012, Montréal a lancé son «plan d’action canopée», avec l’objectif de planter 300 000 arbres d’ici à 2025. New-York a également lancé son projet MillionTrees NYC en 2007, qui, comme son nom l’indique, vise le million d’arbres plantés

– La France développe aussi des plans de ce type, comme Lyon en 2000 avec sa «charte de l’arbre». Objectif : 40 000 arbres plantés d’ici 2030. Anne Hidalgo a, elle, fixé un nombre de 170 000 arbres plantés dans les six prochaines années dans tout Paris.

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