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Existe-t-il des risques de recombinaison virale et de mutation pour les vaccins à matériel génétique ?

Existe-t-il des risques de recombinaison virale et de mutation pour les vaccins à matériel génétique ?

En bref :

Dans une vidéo publiée en décembre 2020, le généticien moléculaire Christian Vélot vulgarise différentes technologies vaccinales et alerte contre un potentiel risque de recombinaison ou de mutation des vaccins à matériel génétique. Président du comité scientifique du comité de recherche et d’information indépendante sur le génie génétique (CRIIGEN), le docteur Vélot s’était illustré en septembre 2020 en affirmant dans un rapport que ces types de vaccin risquaient d’entraîner des mutations génétiques, des recombinaisons virales ou une immunotoxicité.  

Le piège à éviter : le statut d’expert en biologie du docteur Vélot lui donne une posture d’autorité, mais ses propos alertent contre un risque infime qu’il est impossible de vérifier actuellement et n’envisagent aucun des bénéfices attendus des vaccins.

Les faits : 

🤓 Différents types de vaccin sont développés pour lutter contre le coronavirus : ceux à virus inactivés ou atténués, ceux à vecteur viral, ceux à protéines et ceux à matériel génétique. Si ces derniers sont apparus récemment sur la scène médiatique, ils sont étudiés depuis plusieurs dizaines d’années, notamment pour lutter contre Ebola ou Zika.

🧐 Dans sa vidéo, et dans son rapport correspondant de septembre 2020, le professeur Velot s’inquiète de la probabilité que les vaccins à matériel génétique (ceux à ARNm, de Pfizer/BioNTech ou de Moderna) et ceux à adénovirus contenant de l’ADN, (d’AstraZeneca, de Spoutnik ou de Johnson&Johnson) se recombinent avec d’autres virus ou déclenchent des anomalies génétiques. Il ne précise pas que ceux à ARN ont déjà été testés, ni que ceux à adénovirus sont bien connus et impliquent d’utiliser des adjuvants absents des vaccins à ARNm, qui peuvent aussi provoquer des effets secondaires. 

🧑‍🔬 Les virus peuvent varier ou se recombiner naturellement. Le Dr. Vélot cite par exemple le virus H1N1 pour soutenir une démonstration du danger des vaccins à matériel génétique, sauf que ce virus est le résultat d’une mutation naturelle entre trois virus grippaux.

🧐 Il admet que la probabilité d’une recombinaison virale entre du matériel vaccinal et un autre virus est très basse, citant une chance sur 10 millions ou sur 100 millions qu’un tel événement se produise. S’il cite des sources censées appuyer ce calcul dans un récent document, celles-ci renvoient vers des liens cassés, et nous n’avons pas pu retrouver de source corroborant les chiffres avancés.

🤔 La recombinaison virale à cause d’un vaccin nécessite qu’un virus similaire à l’adénovirus atténué du vaccin soit inséré au même moment que le médicament dans les mêmes cellules et qu’il se mêle à l’adénovirus, ce qui est hautement improbable. Dans le cas hypothétique d’une telle recombinaison virale, le nouveau virus créé n’est pas forcément néfaste (il peut être inoffensif). Le Dr. Velot admet lui-même que la probabilité d’apparition d’un nouveau virus qui, en plus, soit dangereux, est donc extrêmement faible.

💬 Pour le cas spécifique des vaccins à ARNm, certaines études soulignent l’aspect très hypothétiques d’une recombinaison de l’ARNm des vaccins avec d’autres virus. L’immunologue Alain Fischer ajoute auprès de L’Express que des tests de vaccination anti-cancer ont été effectués avec de l’ARNm à beaucoup plus haute dose que dans les vaccins anti-covid, sans que de telles recombinaisons ne soient observées. 

🧐 Le Dr. Vélot cite une étude pour laquelle un transfert génique par adénovirus a débouché sur un décès, mais celui-ci a eu lieu dans le cadre d’une thérapie génique, qui vise à apporter un gène sain pour remplacer un gène défectueux, chez une personne malade. Ce n’est pas le cas des vaccins classiques à adénovirus, proposés à des sujets sains (en tout cas non atteints par le SARS-CoV-2). Ceux-ci visent seulement à amener aux cellules humaines une partie de l’ADN codant une protéine spécifique du virus infectant, afin que celles-ci puissent par la suite produire des défenses immunitaires. Pour servir de vecteur, un adénovirus est rendu inoffensif, puis équipé d’un brin d’ADN du virus infectant.

🔍 Le CRIIGEN est une association militant contre les OGM productrice d’études souvent alarmistes. Ses positions ont été critiquées par l’AFIS (association qui entend défendre “l’intégrité scientifique”), sur les OGM par exemple. Le Dr. Vélot s’attaque aux vaccins à matériel génétique parce qu’il les assimile, comme une partie des français, à des OGM.

🗣 Le Dr. Vélot utilise différents outils rhétoriques pour convaincre l’auditeur. Il commence par se démarquer du mouvement antivax, anticipant les réactions et se qualifiant de “vaccino-prudent”. De la sorte, il empêche l’internaute de mettre son discours en doute. En fin de vidéo, le Dr. Velot joue aussi sur les peurs de l’internaute, imaginant une nouvelle épidémie provoquée par une recombinaison virale. 

🧐 Le Dr. Vélot ne mène pas sa réflexion jusqu’au bout, dans la mesure où il souligne tous les risques propres aux vaccins à matériel génétique mais n’en pointe pas les bénéfices. Ce faisant, il empêche son auditoire de se faire un avis éclairé. Par ailleurs, à notre connaissance, aucun autre biologiste n’a émis la moindre hypothèse d’apparition d’un nouveau virus hautement pathogène en raison d’une recombinaison virale.


📒 On prend note : devant une bataille d’experts, difficile de s’y retrouver. Pour tenter de trancher, on recommande de vérifier si le raisonnement présenté semble complet (c’est-à-dire qu’il présente les pour et les contre, ou la thèse et l’antithèse, avant d’en faire une possible synthèse). On conseille aussi, généralement, de se tourner vers les personnes produisant le plus de données, mais ce raisonnement peut être nuancé par le développement de “la science de l’ignorance”, qui vise spécifiquement à embrouiller les citoyens. Si le sujet étudié reste difficile à arbitrer, on peut tenter de faire confiance à la plus grande expertise (sans tomber dans le biais d’autorité), mais le mieux, si le temps le permet, reste de faire un travail de vérification des sources et des études. Et puis dans le doute, on peut décider de suspendre son jugement.

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