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→ Les 5 principales technologies de stockage existantes
→ Pourquoi les technologies de stockage ne sont pas matures aujourd’hui ?
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Flint Production
💡 Pourquoi lire cette analyse ? Car elle permet de mettre en évidence l’enjeu du stockage de l’énergie, qui apparaît indispensable pour tout pays souhaitant réussir sa transition énergétique. La demande en électricité va inévitablement continuer d’augmenter ces prochaines années, il est donc nécessaire de connaître les diverses solutions qui s’offrent à nous pour y faire face, et le stockage est l’une d’entre elles.
✍️ L’auteur : @Kako_line est une ingénieure en matériaux dans le génie civil, et vulgarisatrice sur Twitter, où elle aborde les enjeux de la production énergétique, par une approche technique et technologique.
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Les généralités du stockage
Avant tout, il est important de savoir que toutes les sources d’énergie ne sont pas égales face au stockage. Le succès des énergies fossiles s’explique en partie parce qu’elles se stockent très facilement.
L’électricité, elle, peut être stockée mais sous une forme différente ce qui nécessite des transformations.
⚡ Le courant électrique peut être converti sous une autre forme d’énergie qui, elle, peut être stockée et qu’on pourra utiliser en fonction du besoin : énergie mécanique, thermique, chimique ou électrochimique.
Le stockage peut être :
– Stationnaire : c’est ce qui permet de participer à l’équilibre entre la production et la consommation sur les réseaux électriques, et de pallier la variabilité de l’éolien/solaire. Les technologies de stockage existantes ont des puissances allant de quelques kW à plusieurs GW.
– Embarqué : Ce sont les batteries des voitures électriques ou des smartphones. La puissance de stockage est de l’ordre du kW.
Certaines technologies ne peuvent être que stationnaires comme les STEP (stations de transfert d’énergie par pompage), d’autres peuvent être stationnaires et embarquées comme les batteries.
Parlons maintenant des 5 principales technologies de stockage existantes.
1️⃣ La STEP qui est LA technologie de stockage la plus utilisée dans le monde. Le stockage repose sur le principe de l’énergie gravitaire. Une STEP est constituée de 2 bassins dont l’un est au-dessus de l’autre comme présenté ci-dessous. Lorsque l’électricité est produite en excès, l’eau du réservoir inférieur est pompée vers le réservoir supérieur qui reçoit l’énergie potentielle.
Lorsqu’il faut restituer cette énergie, l’eau du réservoir supérieur est vidée par gravité et passe par une turbine qui produit de l’électricité. Cette technologie permet de stocker de grandes capacités mais avec une certaine inertie qui ne permet pas un chargement/déchargement rapide.
C’est également une technologie qui demande beaucoup de surface puisqu’elle nécessite la construction de 2 grands réservoirs.
98% du stockage d’énergie dans le monde repose sur cette technologie, soit 145 GW au total. La France dispose de 6 STEP mises en service entre 1976 et 1987 pour une puissance de pompage de 4.2 GW. La plus grande STEP du monde est aux USA 3GW (Bath Country).
⚙️ Quelques éléments techniques d’une STEP :
– Temps de stockage : de quelques heures à plusieurs mois
– Puissance : jusque 3GW aujourd’hui, potentiellement plus en fonction de la taille de la STEP
– Rendement : 65-80%
– Réactivité : 10 minutes
2️⃣ Le stockage par air comprimé (mécanique) : on utilise ici l’énergie pneumatique par un mécanisme de compression d’air. Pour utiliser l’air, il suffit de relâcher l’air comprimé. Bon ça parait simple mais c’est quand même assez complexe techniquement.
Dans les faits, l’air comprimé est injecté avec du gaz dans une chambre de combustion puis passe par une turbine+alternateur pour produire de l’énergie électrique. La décompression nécessite un apport d’énergie sous la forme de gaz pour chauffer l’air.
Côté conception, le stockage est réalisé dans des cavités souterraines. Le dimensionnement des cavités dépend de l’installation en surface, et pour de grandes installations, il faut pouvoir maîtriser les risques de fuite et de vieillissement des réservoirs.
⚙️ Quelques éléments techniques du stockage à air comprimé :
– Temps de stockage : de quelques heures à plusieurs mois
– Puissance : de 1MW à 2,7 GW (projet USA)
– Rendement : 40-50% (systèmes conventionnels) à 70% (adiabatique)
– Réactivité : quelques minutes
3️⃣ Le stockage par volant d’inertie : dans ce cas, l’électricité est stockée sous la forme d’énergie cinétique par accélération d’une masse tournante. Elle est restituée en électricité via un alternateur. Le stockage dans ce cas peut être maintenu plus de 15 minutes.
L’avantage de ce système est le temps de charge/décharge, très court. Cette technologie est ancienne, elle a été utilisée par les artisans potiers de Mésopotamie, il y a environ 5500 ans, qui utilisaient des masses tournantes pour emmagasiner et restituer de l’énergie.
⚙️ Quelques éléments techniques du stockage par volant d’inertie :
– Tps de stockage : quelques minutes
– Puissance : jusqu’à 10kW
– Rendement : 85-95%
– Réactivité : 5 millisecondes
4️⃣ L’hydrogène produite par électrolyse : la restitution en électricité se fait via une pile à combustible entre autres. Le gaz recombiné à l’oxygène produit de l’eau et de l’électricité
⚙️ Quelques éléments techniques de l’hydrogène produite par électrolyse :
– Temps de stockage : plusieurs mois
– Puissance : jusqu’à 10GW
– Rendement : 25-35%
– Réactivité : 100 millisecondes
5️⃣ Les batteries (stockage électrochimique) : le moyen de stockage le plus connu. La batterie est constituée de deux électrodes et d’un électrolyte (substance conductrice). Les électrons circulent dans la batterie au moment du chargement et du déchargement.
Il existe plusieurs types de batteries : lithium-ion, plomb-acide etc. Chaque type a des capacités différentes et une durabilité dépendante des matériaux utilisés. Les batteries lithium-ion sont de loin les plus utilisées et les plus matures d’un point de vue industriel.
⚙️ Quelques éléments techniques des batteries :
– Temps de stockage : de quelques heures à une semaine
– Puissance : du kW au MW
– Rendement : 70-80%
– Réactivité : 1 milliseconde
Pourquoi a-t-on besoin de stockage pour la transition énergétique?
Pour que le réseau électrique soit stable et le courant de bonne qualité, il faut qu’il y ait un équilibre entre l’électricité injectée (issue de la production ou du stockage) et celle extraite (ou consommée).
Le stockage permet aussi de distribuer la charge et l’énergie sur le réseau avec l’utilisation massive de sources de production variables (éolien/solaire) qui nécessitent, pour conserver cette stabilité, de pouvoir stocker en cas de surproduction et de restituer en cas de pic de consommation, ou de compenser leur variabilité par des technologies de production pilotables (nucléaire, hydraulique) et de stockage entre autres.
Voici comment la flexibilité est gérée aujourd’hui en France :
Pour ce qui est du stockage stationnaire, le diagramme de Ragone permet de comparer les performances des technologies de stockage, ce qui permet d’identifier les différences en termes de puissance de stockage et de temps de charge/décharge :
Les technologies de stockage sont donc très différentes entre elles et n’auront pas le même usage pour stabiliser le réseau électrique. Chaque technologie est potentiellement un levier de flexibilité avec des effets différents sur le réseau.
Ainsi les besoins journaliers peuvent être assurés par les batteries et les besoins hebdos par les STEP. Pour l’inter-saisonnier, ce sera avec l’hydrogène/STEP. Le parc de stockage actuel en France (chiffres RTE 2020) est de 4 850 MW dont 4810 MW hydrauliques et 40 MW de batteries.
Le parc de stockage évolue avec le temps, il y a des prévisions d’évolution pour ces prochaines années. En attendant, RTE a lancé les expérimentations Osmose et Ringo avec des sites de stockage de 12 à 10MW contenant des batteries de différents types sur un ou plusieurs sites.
Alors pourquoi dit-on que les technologies de stockage ne sont pas matures aujourd’hui ? Pour comprendre il faut avoir en tête quelques éléments en tête.
🟡 Concernant le devenir du mix électrique :
– la PPE [Programmation pluriannuelle de l’énergie] envisage la réduction du nucléaire dans le mix électrique à 50% en 2035,
– les scénarios RTE/IEA présentent des possibilités de mix avec une part plus faible de nucléaire, jusqu’à 100% d’énergies renouvelables nécessitant une flexibilité importante et donc la mise en place, entre autres, d’une grande capacité de stockage,
– l’électrification des usages (industrie, transports) nécessitera une augmentation des moyens de production d’électricité.
🟡 Concernant les besoins en stockage : la PPE envisage l’augmentation de 1,5GW de la capacité en STEP (durée de construction + procédures : 10 ans). De manière générale, les possibilités de construction de nouveaux barrages ou de STEP sont très limitées en France.
RTE envisage la mise en place d’une capacité de stockage par batteries supplémentaire de 500MW d’ici 2022. Selon le rapport RTE/IEA, le besoin en flexibilité à l’horizon 2050, avec le développement des énergies renouvelables, serait d’au moins 80GW.
La capacité installée actuelle du parc nucléaire français est de 61,4GW. Le besoin serait donc supérieur à la flexibilité apportée par le nucléaire aujourd’hui. Avec la baisse du nucléaire et le maintien de l’hydraulique, les autres solutions de flexibilité seront très sollicitées.
La flexibilité peut être obtenue de plusieurs manières. Le stockage est un levier important mais il y en a d’autres qui nécessitent un fort développement technique et réglementaire, tout en considérant les évolutions de la consommation et les risques associés aux aléas climatiques ou accidentels.
🔋 Par exemple, la décharge des batteries sur le réseau électrique (Vehicle-to-Grid), ainsi que la seconde vie des batteries de véhicules électriques (pour des usages de secours tertiaire ou de cyclage faible puissance du PV) sont des possibilités à considérer.
Je vous conseille le rapport RTE/IEA qui l’explique bien, et deux threads sur ce rapport qui présentent bien où ça coince techniquement quand la proportion d’énergies renouvelables devient très importante : celui-ci de Thomas Auriel et celui-là d’Alexis Quentin.
Le stockage par batterie est intéressant pour un stockage court-terme mais il n’est pas suffisant pour réguler le réseau et le sécuriser à différentes échéances (journée, semaine, saison, année…).
La technologie Lithium-ion, la plus développée aujourd’hui, est limitée par différents facteurs :
– adaptée uniquement pour des quantités d’énergie faibles à moyennes
– durée de stockage courte (quelques heures à quelques jours)
– renouvellement des batteries tous les 10-15 ans maximum
– la sensibilité à la température qui réduit sa durée de vie
– les risques de départ de feu et d’explosion
– leur impact ressources et matière, notamment en termes de disponibilité (stratégique) de certains éléments constitutifs
– leur coût
Pour ce dernier point, bien qu’il diminue fortement avec les effets d’échelle de production, il n’en reste pas moins que les quantités nécessaires associées aux durées de vie courtes sont un frein important.
Le développement de nouvelles technologies de batterie pour des applications en stockage stationnaire est donc nécessaire pour intégrer les besoins anticipés qui sont énormes en France et dans le monde. On est loin de solution miracle.
📈 Sur la question des matériaux, les besoins vont devenir très importants ces prochaines années, que ce soit pour atteindre les objectifs 2035 ou encore 2050 en fonction du scénario choisi. Il y aura énormément de demandes ces prochaines années et décennies dans le monde. Il est donc nécessaire d’anticiper le besoin en termes de ressources et de développer en parallèle des technologies utilisant des matériaux plus communs.
Comment se situe la France sur ces deux aspects ? Nous sommes mieux positionnés sur le deuxième aspect que sur le premier…
Et même si on déployait des moyens de stockage rapidement, il ne suffit pas de les connecter au réseau. Il y a toute une infrastructure à repenser en fonction des usages, du mix et de la position géographique des capacités de production, de stockage et de consommation.
⛔ Ceux qui font miroiter une possibilité de stockage par batteries importante n’ont juste aucune idée de ce que cela implique d’un point de vue technique, technologique, industriel, environnemental et bien sûr économique.
Le problème est donc d’adapter un moyen de stockage avec des limites techniques, à une échelle conséquente en termes de puissance et de flexibilité, tout en conservant la recyclabilité de la solution et un impact environnemental compatible avec les objectifs visés.
💡 Et si vous avez bien lu ce thread, vous comprendrez qu’il n’y a pas une mais plusieurs solutions qui contribuent ensemble à la stabilité du réseau en fonction du scénario et donc du mix choisi.
Pour aller plus loin
Je vous conseille cette vidéo de @Le_Reveilleur qui parle stockage et réseau électrique :
📚 Les sources
Stockage stationnaire d’électricité : pas d’accès à la source
Encyclopédie de l’énergie : Les stations de pompage (STEP)
ADEME : Le stockage de l’énergie – Ademe
Rapport RTE/IEA : Conditions and Requirements for the Technical Feasibility of a Power System with a High Share of Renewables in France Towards 20
Cadrage des hypothèses RTE 2050 : Bilan prévisionnel long terme « Futurs énergétiques 2050 »
Thèse sur le stockage par volant d’inertie : Système inertiel de stockage d’énergie couplé au générateur photovoltaïque et piloté par un simulateur temps réel
Rapport RTE Smart grids : VALORISATION SOCIO-ÉCONOMIQUE DES RÉSEAUX ÉLECTRIQUES INTELLIGENTS
Et je n’oublie pas @buchebuche561 que je remercie pour ses conseils de qualité et pour sa patience !