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Faut-il légaliser l’euthanasie ?

Faut-il légaliser l’euthanasie ?

Le 28 septembre, Line Renaud, marraine de l’association pour le droit à mourir dans la dignité a défendu l’euthanasie (ADMD) à l’Assemblée nationale, en qualifiant le droit de choisir sa mort comme “notre liberté ultime et souveraine”. Quelques mois auparavant, le français Alain Cocq, atteint d’une maladie incurable depuis 35 ans et symbole des militants de la fin de vie «digne», est décédé par suicide assisté en Suisse. Ces interventions relancent la discussion autour de la nécessité de légaliser l’euthanasie et le suicide assisté en France. 

🤖 Qui ça intéresse : selon nos robots, le sujet est surtout discuté du côté des politiciens, des juristes et un peu des philosophes. Il intéresse tous les côtés de l’échiquier politique.

💡 Pourquoi c’est intéressant ? Le débat sur la fin de vie reste complexe puisqu’il confronte des opinions religieuses, juridiques, politiques voire philosophiques. Les nombreux témoignages des personnes concernées et de leur famille nourrissent cette discussion, sans pour autant que celle-ci ne soit tranchée. 

En bref : 

En France, l’arrêt des soins pour une personne est permis dans des cas spécifiques, encadrés par la loi Leonetti (2005) et la loi Leonetti-Claeys (2016). Dans plusieurs pays, comme la Belgique, les Pays-Bas ou le Canada, l’euthanasie est légale. En Suisse, c’est le suicide assisté qui est dépénalisé. 

Les défenseurs de l’euthanasie mettent en avant le droit des malades de choisir les conditions de leur mort et le respect du principe de la dignité humaine, la mort assistée comme manière de se libérer des souffrances, ainsi qu’un argument économique.

Les opposants voient l’euthanasie comme contraire à l’interdit absolu de tuer, cher aux communautés religieuses. Certains considèrent aussi que la revendiquer traduit une méconnaissance des dispositifs d’arrêt des soins existant en France. 

Les faits : 

⚖️ Que dit la loi ? 

– En France, deux lois encadrent les conditions de fin de vie. La loi Leonetti de 2005, qui autorise l’arrêt des soins pour une personne «lorsqu’ils apparaissent inutiles, disproportionnés ou n’ayant d’autre effet que le seul maintien artificiel de la vie», et la loi Leonetti-Claeys de 2016, qui complète la première en interdisant «l’obstination déraisonnable» et la «prolongation artificielle de la vie». 

– En France, seule «une sédation profonde et continue jusqu’au décès» est autorisée, en cas de pronostic vital engagé à court terme. Cela entraîne alors l’arrêt des soins et la personne est endormie, jusqu’au décès naturel. 

– En Belgique, aux Pays-Bas, au Canada, dans certains États américains, l’euthanasie est légale, dans des cadres strictement définis. En Suisse, le suicide assisté est dépénalisé, pour des motifs «non égoïstes», alors qu’en Belgique, aux Pays-Bas ou au Luxembourg, le suicide assisté est réservé aux patients conscients, qui présentent «des souffrances physiques ou psychiques intolérables sans espoir de guérison».

– En 2018, l’Institut national des études démographiques (Ined) estimait à 0,2% la part de l’euthanasie dans les décès en France. Les demandes explicites d’euthanasie concernaient 1,8% des décès. 

✅ Le droit de choisir sa mort 

– En 2015, un sondage Ifop dévoilait que 86% des Français étaient favorables à la légalisation de l’euthanasie

– En 2018, le Conseil social, économique et environnemental (CESE) avait voté en faveur d’une légalisation de la «sédation profonde explicitement létale» pour les personnes en fin de vie. Terme différent, mais objectif identique à l’euthanasie ou au suicide assisté.

– Les partisans de l’euthanasie revendiquent le droit des malades de choisir les conditions de leur mort. En 2008, Chantal Soubire, atteinte d’une tumeur incurable au visage et décédée en 2011, clamait le droit pour tout patient en situation d’incurabilité et encore conscient de «décider de sa mort, en accord avec son médecin traitant et après décision d’un comité médical». Le respect du principe de la dignité humaine rentre également en jeu.

– En 2014, dans son rapport sur le débat public concernant la fin de vie, le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) recommandait de «donner la plus grande importance aux paroles et aux souhaits des personnes malades en fin de vie, et de faire en sorte qu’elles soient entendues dans leur situation d’extrême vulnérabilité». 

– La seule intervention des soins palliatifs est jugée insuffisante selon le rapport du CCNE. Il met en avant le manque d’accès et de prise en charge en soins palliatifs des patients en ayant vraiment besoin. 

– Nicole Boucheton, vice-présidente de l’Association pour le droit à mourir dans la dignité (ADMD) considère l’euthanasie comme «un dernier soin à quelqu’un qui n’a plus d’alternative».

– L’euthanasie permet de mettre fin à des souffrances physiques et psychologiques, pour le malade, mais également pour ses proches. Elle peut être vue comme «le moyen ultime de se libérer des chaînes de la souffrance». 

– Le serment d’Hippocrate, que prête chaque médecin mais qui n’a aucune valeur juridique, stipule que ces derniers «[feront] tout pour soulager les souffrances.» et qu’ils «[ne prolongeront] pas abusivement les agonies».

– L’argument économique est également repris par les défenseurs de la légalisation de l’euthanasie. Dans un article scientifique paru en 2020 dans la revue Clinical Ethics, les chercheurs David Shaw et Alec Morton prouve que l’euthanasie et le suicide assisté entraîneraient des économies conséquentes, pouvant être allouées ailleurs. 

❌ Une pratique contraire aux valeurs fondamentales 

– Auteur de l’essai D’un prétendu droit de mourir (2011), Bernard-Marie Dupont, généticien et diplômé de philosophie, estime qu’autoriser l’euthanasie serait contraire à l’interdit de tuer, «un interdit absolu» en France et un principe fondamental dans la religion, mais également contraire au serment d’Hippocrate qui interdit aux médecins de provoquer la mort délibéremment. 

– Le philosophe défend également le fait que légaliser l’euthanasie ne concerne qu’une minorité de personnes, alors que «le droit doit répondre à l’intérêt général avant tout».

– Pour Damien Le Guay, auteur de Fin mot de la vie, contre le mal mourir en France, légaliser l’euthanasie reviendrait à choisir la facilité. Le résultat du sondage de l’Ifop de 2015 se traduit selon lui par une ignorance autour de l’interruption des soins, qui est légale, et par une crainte de l’hôpital chez les Français. Au lieu de légiférer la fin de vie, il suggère plutôt de réfléchir à «améliorer “l’offre palliative”, la place centrale de l’humain, l’écoute, l’humanité des relations, la modestie du curatif» et à «remettre le malade au cœur de l’hôpital»

– L’ASP, association militant pour le développement des soins palliatifs, défend leur aspect complet, suffisants pour accompagner le patient en phase terminale, jusqu’au décès. 

– Damien Le Guay dénonce l’existence d’une «euthanasie économique», uniquement motivée par le fait de réduire les dépenses de santé.

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