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Comment la paléoclimatologie éclaire le changement climatique

Comment la paléoclimatologie éclaire le changement climatique

Dans sa mission pour t’aider à découvrir de nouvelles sources d’information et de nouvelles voix, Flint a décidé de donner la parole à des experts, dans leur domaine respectif : environnement, technologie, histoire, sociologie. Ces articles sont une mise en page de threads, des séries de tweets publiés sur Twitter. Nous avons sélectionné ces textes pour l’éclairage précis et parfois méconnu qu’ils apportent sur des problématiques d’actualité.

💡 Pourquoi lire cette analyse ? Parce qu’elle permet de mieux comprendre comment les scientifiques construisent leurs certitudes sur le caractère exceptionnel du changement climatique en cours – et de tordre le cou à quelques idées fausses.

✍️ L’autrice : Valérie Masson-Delmotte est paléoclimatologue, coprésidente du groupe n°1 du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) depuis 2015 et vulgarisatrice scientifique sur Twitter.

Retrouvez ce fil sur Twitter au bout de ce lien ou découvrez-le ci-dessous sous forme d’article.

Le thread :

Depuis des décennies, les paléoclimatologues extraient des archives naturelles (sédiments de lacs, marins, coraux, anneaux d’arbres, carottes de glaces etc) et développent des méthodes de datation et d’analyse biologique et physico-chimique pour en extraire de l’information sur le climat. Cela permet de connaître et comprendre la variabilité passée du climat (passionnante en soi 😉) et aussi de situer les changements climatiques en cours, bien documentés par les mesures directes (météorologiques, océanographiques, glaciologiques, satellites etc) réalisées sur le temps long.

Chaque nouvelle archive, chaque nouvel enregistrement est comme une pièce d’un puzzle géant pour caractériser l’histoire du climat de la Terre. Des méthodes mathématiques sont développées pour intégrer ces informations locales afin d’évaluer, le plus précisément possible, l’évolution du climat planétaire. Cela porte par exemple sur la température au-dessus des continents et des océans, qui est un indicateur de l’état du climat.

Des travaux pionniers ont permis dès la fin des années 1990 d’évaluer l’évolution de la température au-dessus des continents de l’hémisphère nord au cours du dernier millénaire. Au bout de ce lien, par exemple, vous trouverez l’état des lieux de ces connaissances il y a 20 ans.

Depuis, de nouveaux enregistrements paléoclimatiques ont été produits, plus longs, avec une meilleure couverture spatiale (même si elle reste imparfaite), une meilleure compréhension des signaux, et de nouvelles méthodes ont été développées.

En juillet 2019, une série de publications a été produite dans le cadre du programme de coopération scientifique internationale PAGES (Past Global Change) sur les climats passés. Elles correspondent aux connaissances les plus complètes liées à la température des derniers 2000 ans. Elles confirment par une analyse systématique (comparaison de x différentes méthodes) la rupture que représente le réchauffement en cours par rapport aux petites variations précédentes, sur une période similaire : la variation en cours est inédite en amplitude et inédite en vitesse sur 50 ans.

Le réchauffement actuel est aussi fondamentalement différent des fluctuations précédentes (anomalies douces pendant la période romaine ou médiévale) par sa cohérence spatiale.

Ces études confirment et élargissent les conclusions de travaux antérieurs, qui avaient été évalués dans le chapitre sur les climats passés du 5ème rapport du GIEC de 2013 que j’ai co-coordonné (chapitre 5).

Il y a beaucoup d’idées reçues fausses sur les variations passées du climat.

🗺️ Certains, par exemple, extrapolent les variations historiques du climat européen à l’échelle planétaire. Or, beaucoup d’épisodes doux ou frais n’étaient pas synchrones dans les différentes régions du monde. Ces travaux récents montrent notamment l’importance déterminante de la fréquence des éruptions volcaniques majeures 🌋 et de l’effet parasol ❄️ de leurs poussières sur les variations naturelles du climat au cours de ces périodes.

Certains avaient suggéré que les épisodes frais n’étaient dus qu’aux minima d’activité du soleil☀️. Mais ceux des derniers siècles ont souvent coïncidé, par hasard, avec des périodes d’activité volcanique 🌋 forte. Les enregistrements qui couvrent les derniers 2000 ans montrent le rôle clé des éruptions 🌋.

Les variations régionales du climat résultent aussi des fluctuations des courants marins et des vents. Mais ceux-ci ne font que répartir la chaleur entre les différentes régions. Seules les perturbations du bilan d’énergie de la Terre ont un effet déterminant sur la température planétaire 🌡️.

La période actuelle est une rupture parce que nos rejets de gaz à effet de serre ont modifié profondément la composition de l’atmosphère et le bilan d’énergie de la Terre, conduisant à ce réchauffement inédit. Ci-dessous : observations actuelles et air piégés dans les carottes de glace.

Certains pensent que le réchauffement actuel peut s’expliquer par des facteurs naturels. Non, aucun facteur naturel ne l’explique. Il est entièrement causé par les conséquences de nos rejets de gaz à effet de serre :

http://globalwarmingindex.org