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Les scientifiques du CNRS sont-ils contre les OGM et les antennes de téléphonie mobile ?

Les scientifiques du CNRS sont-ils contre les OGM et les antennes de téléphonie mobile ?

Hum. Non. Enfin en tout cas on ne leur a pas posé la question. Mais la fausse polémique qui a enflé autour de cette fausse information « révélée » par une radio généraliste pourrait être facilement oubliée si elle ne posait pas une question de fond plus intéressante sur notre rapport à la vérité.

Quelle est l’histoire ?

Le 10 octobre sur Europe 1 le chroniqueur (de formation scientifique) Nicolas Bouzou s’emporte contre les scientifiques du CNRS. Selon une étude, explique-t-il, ils seraient à 90% contre les OGM. Il ajoute :  » 65% sont contre la pose d’antennes téléphoniques, un tiers sont contre l’obligation vaccinale et j’en passe ». Du coup tout le monde y est allé de son commentaire sur le « naufrage » de la recherche en France voire sur le repère de zadistes qu’était devenu le CNRS… On ne sait pas si Nicolas Bouzou a vraiment lu l’étude ou s’il a en a juste vu un extrait sur Twitter, mais ce qu’il dit est tout simplement faux (et je ne parle pas du bandeau sur la vidéo qui, lui, amalgame tous les chiffres !).

C’est d’autant plus étonnant que, en tant qu’économiste, il devrait être censé être capable de lire une étude, son contexte, son objectif, et l’intitulé de la question. Et c’est agaçant parce que l’étude est en réalité passionnante et pose bien d’autres questions dont on a beaucoup moins parlé.

Vérité, science et politique…

La question posée aux scientifiques, rappelle l’auteur de l’étude, était de savoir s’ils jugeaient « acceptables » des actions militantes contre l’utilisation des OGM dans l’agro-alimentaire, la pose des antennes ou l’obligation vaccinale. Pas s’ils étaient pour ou contre. Nuance qui a son importance. L’idée était de mesurer leur déconnexion (ou pas) d’avec les préoccupations politiques des citoyens.

👉 Vous pouvez lire l’étude et une petite revue de presse sur cette page.

Cette fausse polémique soulève néanmoins une question majeure : peut-on dire que rien ne prouve scientifiquement que telle mesure est dangereuse pour la santé et juger acceptable néanmoins que des citoyens s’opposent à leur application ? Oui, parce que la réponse est politique, pas scientifique. Et ça définit bien la frontière importante qu’il faut poser entre les deux : la science apporte les données. On ne vote pas sur des conclusions scientifiques. En revanche, on doit pouvoir voter sur les actions à tirer de ces vérités scientifiques. Et heureusement ! C’est le rôle du débat démocratique. Cela vaut pour les conclusions du GIEC comme pour celles sur les vaccins.

Vérité scientifique d’un côté, choix politique de l’autre. Chacun à sa place. C’est pour cela qu’il faut protéger l’indépendance des scientifiques, comme il faut protéger celle de la presse et de la justice, les trois autres piliers de la recherche de la vérité (qui n’est pas une vérité pure mais des process distinct, selon chaque corps de métier, avec des règles d’encadrement).

La science ne peut pas dicter l’action politique (qui est un choix émotionnel et moral) mais elle est là pour donner à chacun les éléments objectifs lui permettant de se positionner. Ce qui est dangereux, c’est quand l’on se met à jongler avec la vérité scientifique en fonction de nos idées politiques…

Et sinon, de quoi parlait cette étude ?

Elle évoque surtout la relation entretenue par les scientifiques avec les règles d’intégrité. Sujet passionnant, rendu nécessaire après le chaos entrainé par la crise du Covid-19, rapporté ainsi par le journal le Monde :

« Premier constat, un tiers seulement des répondants affirme avoir une connaissance suffisante des règles de l’intégrité. Et 21 % reconnaissent ne pas avoir ces connaissances.
« Second constat, les aveux d’inconduites ne sont pas rares. Cinq d’entre elles, plus ou moins graves, ont été « testées » : 0,4 % des répondants avouent avoir utilisé des idées d’autrui sans les nommer, souvent ou très souvent (et 9 % l’avoir fait rarement) ; 2 % avoir évité souvent de présenter des données qui pourraient contredire leurs hypothèses (et 21 % l’avoir fait rarement). Presque 11 % reconnaissent avoir modifié la méthodologie d’un projet de recherche pour répondre aux pressions d’un financeur…

Des chiffres similaires à ceux observés dans d’autres pays, commente l’auteur de l’étude. L’indépendance nécessaire de la science lui impose une non moins nécessaire obligation d’intégrité et de transparence.

👉 Pour en débattre, rejoignez la communauté Flint sur Discord (déjà 1000 membres !).