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La tendresse c’est bien aussi – Flint Dimanche #44

La tendresse c’est bien aussi – Flint Dimanche #44

Je ne vais pas te prendre beaucoup de temps, juste un bisou de fin d’année et quelques partages de minuscules textes pour te réchauffer le coeur et le moral avant d’entamer 2021. Ok pour toi ?

Bon, cool. Dans ce cas, je te propose d’illustrer cette lettre avec des photos de koalas  histoire de rajouter encore plus d’amour et de bonheur à tout ça. Parce que le koala c’est quand même l’animal le plus mignon du monde. Oui je sais tu vas me dire que non, c’est la loutre, mais je suis prêt à faire une « battle » koala/loutre avec toi si tu veux.

(Toutes les photos sont issues du compte Instagram « Koala of Insta » qui propose aussi des trucs à acheter pour aider les koalas à éviter l’extinction)

Alors, suite à ma lettre de dimanche dernier, dans laquelle je t’exposais notamment mon dilemme de Noël (faut-il aller dîner avec ses parents et leur faire prendre un risque ?), j’ai reçu de longs messages, parfois très personnels, qui m’ont beaucoup touché.

Comme cette lettre de Jussara, qui me raconte en détail son périple à Rio de Janeiro au Brésil, pour aller voir sa maman, 88 ans. Cette dernière n’est pas sortie de l’appartement de son fils (avec qui elle ne s’entend pas très bien) depuis le premier confinement en avril. Et c’est le choc de réaliser que sa mère était un peu malheureuse et paradoxalement plus isolée que quand elle vivait seule, qui a pou« J’aurais dû prévoir un ruban décoré pour me mettre sur ma tête demain…»ssé Jussara à franchir le pas, malgré ses craintes de la mettre en danger. 

« Je parle plus avec elle étant de l’autre côté de l’océan que ceux qui prennent le petit déj tous les jours avec elle. Et ça me fait de la peine. 
(…)
Plusieurs fois ces dernières semaines elle m’a dit que l’on ne se reverrait plus jamais, car nous sommes tous enfermés chez nous, dans différents pays, que ça ne va jamais se terminer. La raisonner ne marchait pas bien, elle n’a pas Flint 🙂 et a plein d’infos pas correctes (et avec un gouvernement… passons). Elle regarde la télé toute la journée, et pas forcément les « meilleures » chaînes, elle regarde beaucoup de dessins animés (moins chiants que les films, son avis hahahaha).»

Jussara raconte son voyage dans l’avion surchargé, rempli de familles mais aussi de … touristes. À changer son masque toutes les 4 heures, ses deux tests PCR, puis ses trois jours d’isolement avant de retrouver enfin sa mère et de lui faire le plus joli des cadeaux.

« J’aurais dû prévoir un ruban décoré pour me mettre sur ma tête demain…»

Julien a lui aussi fait le choix d’aller voir sa mère, qui vit seule. Même si, lui non plus, n’était pas rassuré du tout : 

« Je ne me vois pas laisser ma mère seule un soir de réveillon de Noël: elle a cette fête trop en elle pour que ce soit possible. Je pense que ça la tuerait moralement plus qu’une épidémie.»

De son côté, Solenne, a pris l’option inverse. Elle n’est pas descendue passer Noël avec ses frères et ses parents. Et ça lui a fait tout drôle. Tu en penses quoi ?

« La 1ere fois de ma vie que je vais faire Noël sans eux…mais bon on a de la chance on pourra quand même faire une ouverture des cadeaux virtuelles avec skype 🙂 »

« Elle aura vraiment été bizarre, cette année« , me confie Sophie. Ça, on est tous d’accord. Mais Sophie veut quand-même rester positive, parce que sinon on va tous mourir de déprime : 

« Quelle drôle de fin d’année où les sentiments de frustration et de soulagement car personne n a perdu son emploi travaille confiné se mélange de plus tout le monde est en bonne santé . Vive la vie 😉
Pas de quoi se plaindre mais de se réjouir de vivre en France.
attendons 2021 pour pouvoir tourner la page au plus vite…. en espérant dans 6 mois 😊 »

Je termine avec ce message optimiste de Geneviève (je précise que Geneviève n’est pas le nom du koala ci-dessus, même si on aimerait bien l’appeler Geneviève aussi parce qu’il a l’air trop gentil, mais le nom d’une lectrice de Flint Dimanche comme toi). Donc Geneviève a adoré le kit de survie pour bien débattre sans se battre, que je t’ai présenté la semaine dernière, et que tu peux retrouver ici. Elle écrit : 

« Je trouve que vous faites un travail passionnant (et mon fils commençant des études de sciences cognitives, je me réjouis de voir le genre de choses auxquelles cela peut conduire), et j’ai déjà partagé le lien de débat que vous avez élaboré cette semaine (en une semaine, quel boulot, félicitations !) que je trouve génial car très clair, reposant sur des bases simples. J’envisage de l’utiliser un jour avec des élèves pour travailler l’initiation à l’argumentation. C’est extrêmement complexe de faire le tri entre tout ce que l’on entend, de ne pas s’emmêler les pieds dans les études, opinions diverses et contradictoires, données chiffrées. Là les idées sont reformulées de façon claires, avec deux/ trois données faciles d’accès. C’est brillant parce que c’est simple.»

D’ailleurs, il a eu un joli succès ce kiton a même eu droit à une citation sur France Info. Alors ça nous donne envie d’imaginer d’autres trucs utiles du même genre. Je te l’ai dit il y a quinze jours, nous on veut sauver le monde, donc si on peut sauver le monde en faisant des kits avec des chiens rigolos c’est encore mieux.

🐶 À propos de la tendresse…

J’ai reçu beaucoup de retours positifs sur le texte de l’écrivaine Olga Tokarczuk, sur la tendresse, que j’ai partagé avec toi dimanche dernier en mode esprit de Noël câlin. Du coup je te propose un autre petit extrait très émouvant de son discours (qui s’appelle « le tendre narrateur »). 

Elle parle d’une vieille photo de sa mère qu’elle regardait tout le temps étant enfant. Tu vas voir, je suis sur que ça te mettre les larmes aux yeux comme moi : 

« Sur cette image (…) la jeune femme est triste, pensive, un peu comme absente. 
Par la suite tandis que je l’interrogeais sur cette tristesse – et je le fis maintes fois, pour entendre toujours la même réponse -, maman me disait qu’elle était triste parce que je n’étais pas encore née et que je lui manquais.
« Comment pouvais-je te manquer alors que je n’avais pas encore été ? » demandais-je.
Je savais déjà que nous manquaient ceux que nous avions perdus, que le regret était l’effet d’une perte.
« Il arrive que ce soit l’inverse », répondait-elle. « Si quelqu’un vous manque, c’est qu’il est déjà là ».

Ce bref échange, quelque part dans une province de l’Ouest polonais, à la fin des années soixante du XXe siècle, entre ma mère et moi, sa petite enfant, se grava à jamais dans ma mémoire et m’assura une réserve de forces pour toute la vie. Cette conversation porta mon existence au-delà de la banale matérialité du monde, du hasard, de la cause et de l’effet, ou de la loi des probabilités. Elle le plaça, d’une certaine manière hors du temps, dans la douce proximité de l’éternité. Avec mon esprit d’enfant, je compris que j’étais plus que je ne m’étais imaginé d’être. Que même lorsque je disais « je suis absente », en premier lieu s’imposait le « je suis », – qui est le syntagme (c’est à dire un groupe de mots) le plus important et le plus étrange du monde .

C’est ainsi qu’un jeune femme areligieuse, ma mère, me donna ce que je jadis l’on appelait une âme, c’est-à-dire qu’elle me dota ainsi d’un tendre narrateur, le meilleur au monde. »

Et puisque l’on parle de tendresse, je ne peux résister à la tentation de te faire découvrir cet autre texte, tout aussi délicat et qui fait du bien au coeur, de la philosophe Cynthia Fleury, dans une minuscule livre qui vient de sortir et qui s’appelle « Le soin est un humanisme« . Prépare ton deuxième mouchoir : 

« La vulnérabilité est une combinaison d’hyper-contraintes, quo sont souvent d’emblée dévalorisées, stigmatisées par la société comme étant non-performantes, invalidantes et créatrices de dépendances. Mais elle nous invite, nous, les « autres », à mettre en place des manières d’être et de se conduire , précisément autres, aptes à faire face à cette fragilité pour ne pas la renforcer, voire pour la préserver, au sens où cette fragilité peut être affaire de rareté, de beauté, de sensibilité extrême. Ce qui est donc intéressant dans la vulnérabilité, en dehors du fait qu’elle est consubstantielle à tout homme et finalement assez peu spécifique, c’est qu’elle invite l’homme à s’inventer un ethos (c’est à dire une coutume), à produire un geste plus soucieux de la différence de l’autre : elle fait naître chez nous une préoccupation, une attention, une qualité inédite de présence au monde et aux autres. »

On va bien avoir besoin de tout ça en 2021, tu ne trouves pas ? Elle n’est pas belle la vie quand on veut bien s’y mettre et prendre soin les uns des autres ? 

🤕 La philosophie qui fait du bien quand tout semble aller mal

Allez, puisque tu es encore là, je te propose une dernière bouffée de joie et de gentillesse qui fait du bien, avec cet article paru dans « The Conversation »‘ (un média écrit par des universitaires), qui explique comment la philosophie peut nous aider à vivre cette période un brin traumatisante. Justement en acceptant notre vulnérabilité. Le texte est en anglais, donc je t’en ai traduit un extrait. Tu verras, ça fait du bien : 

« Cela peut sembler une idée étrange à laquelle s’accrocher, mais reconnaître que nous sommes des créatures finies et imparfaites peut apporter du réconfort dans les moments difficiles. Il est compréhensible de se sentir déconcerté de changer les conseils du gouvernement. Il est compréhensible que d’autres personnes nous en veuillent en nous disant de rester loin de nos proches, et que nous ressentions une profonde tristesse face à l’annulation de certains projets. Et il est compréhensible de commencer à perdre la détermination de faire ce qui est juste. Si la finitude nous dit quelque chose, c’est que nous ne sommes qu’un être humain.

Et en tant qu’êtres humains finis, nous sommes vulnérables. Entre autres choses, nous pouvons mourir, nous pouvons mentir et nous pouvons être utilisés contre notre volonté.

La COVID-19 nous a appris à quel point nous sommes mutuellement vulnérables. Nous dépendons les uns des autres – mais cette dépendance nous met également en danger. Plus de socialisation signifie une augmentation de la transmission du virus. Continuer à se socialiser pendant un pic de l’épidémie pourrait signifier une augmentation du nombre de personnes souffrant gravement de COVID-19, et une augmentation du nombre de décès.

Ainsi, alors que la finitude nous dit qu’il est compréhensible de ressentir le désir de briser les enfermements et les limites de voyage, la vulnérabilité nous pousse à faire ce qui est juste pour les autres – ceux qui pourraient être plus vulnérables que nous.. »

Je te mets un dernier koala pour la route, parce que là on est au summum du bien-être de fin d’année. 

Et si tu veux échanger avec une intelligence artificielle super drôle qui va aller regarder ce que tu écoutes sur Spotify pour ensuite se moquer de toi et de tes goûts musicaux douteux, tu peux jouer avec cette plateforme ici. C’est en anglais, mais moi ça m’a beaucoup détendu ! 

Ce billet est un extrait de la newsletter hebdomadaire « Flint Dimanche », qui explore avec toi comment nous pouvons mieux nous informer dans un monde rempli d’algorithmes. Pour la recevoir, abonne-toi à Flint ici. Tu recevras également une sélection de liens personnalisée, envoyée par l’intelligence artificielle de Flint.