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Pourquoi le monde manque-t-il de puces électroniques ?

Pourquoi le monde manque-t-il de puces électroniques ?

En bref :

Le monde entier est devenu accro aux puces électroniques, ces minuscules composants que l’on retrouve dans les smartphones, les ordinateurs, les consoles de jeux ou encore les automobiles. Sans ces circuits électroniques basés sur des semi-conducteurs, matériaux aux qualités rares, à mi-chemin entre un conducteur électrique et un isolant, l’information ne circulerait pas dans ces appareils. Or les semi-conducteurs sont aujourd’hui au cœur d’une guerre commerciale et technologique que se livrent les plus grandes puissances mondiales, au risque de paralyser plusieurs marchés. 

🗒️ À emporter : la crise sanitaire n’a fait que mettre en lumière les difficultés que connaît le marché des semi-conducteurs, déjà affecté par d’autres facteurs. Alors que les États-Unis et la Chine s’affrontent pour gagner des parts de marché et devenir autonomes dans leur production, l’Europe tente de se faire une place dans un domaine déjà saturé.

Les faits : 

🇹🇼 Une dépendance mondiale 

– Créée en 1987, l’entreprise taïwanaise Taïwan Semiconductor Manufacturing Corp (TSMC) est la première et plus grande fonderie mondiale, spécialisée dans la production des semi-conducteurs, un composant essentiel pour la conception des puces électroniques, ou circuit intégré. Selon le cabinet d’étude Capital Economics, TSMC produit 92% des semi-conducteurs les plus sophistiqués.

– Depuis plusieurs années, de nombreuses entreprises de technologies ayant besoin de puces électroniques (Apple, Sony, PlayStation, Ford, Tesla) mais aussi des concepteurs de ces puces (MediaTek, Nvidia, Qualcomm, Bitmain) ont décidé de sous-traiter la production des semi-conducteurs à la fonderie TSMC pour se concentrer uniquement sur conception des plans. Samsung et Intel, qui fabriquent encore eux-mêmes les semi-conducteurs pour leurs appareils, ou encore GlobalFoundries, fonderie américaine, sont les principaux concurrents de TSMC. 

Pour Mark Williams, économiste en chef pour l’Asie du cabinet de conseil Capital Economics, la dépendance ainsi créée «constitue une menace pour l’économie mondiale, qui peut être atténuée mais qui ne sera pas entièrement traitée dans un avenir prévisible».

🤔 Un risque de pénurie

– Au début de l’année 2021, plusieurs secteurs comme l’automobile ou les technologies, alertent sur un risque de pénurie des semi-conducteurs. 

– La majeure partie des entreprises automobiles ont dû ralentir ou stopper leur production, car le manque d’approvisionnement en semi-conducteurs empêchait la fabrication de puces électroniques, indispensables dans les véhicules d’aujourd’hui. Selon Marc Mortureux, directeur général de la Plateforme filière automobile (PFA), 1.3 millions de véhicules n’ont pas pu être produits au premier trimestre 2021.

– Les principaux fabricants de smartphones ont annoncé des retards dans la production de leurs derniers appareils, en raison de soucis d’approvisionnement. 

– Cette pénurie devrait durer jusqu’en 2023 à en croire les prévisions du CEO de TSMC, qui espère augmenter les capacités de production d’ici-là. L’entreprise a d’ailleurs annoncé fin 2021 l’investissement de 100 milliards de dollars pour accroître sa production sur 3 ans (Les Echos).

🔎 Les facteurs de pénurie

– En mettant les usines de production à l’arrêt pendant plusieurs mois, la pandémie a entraîné une réduction drastique de l’offre de semi-conducteurs. En face, la généralisation du télétravail, provoquait une forte hausse de la demande d’équipements électroniques (ordinateurs, smartphones, consoles de jeux vidéos), donc une hausse de la demande de semi-conducteurs.

– En 2021, Taïwan fait face à la pire sécheresse que le pays ait connu depuis 56 ans. Or, la fabrication de semi-conducteurs est très gourmande en eau : celle-ci sert à «polir les fines tranches de silicium [élément chimique] qui forment la base des puces».TSMC a consommé 63 millions de tonnes d’eau en 2019. Le pays a pris certaines mesures pour compenser ce manque, comme la création d’une usine de dessalement, l’interdiction d’arroser les cultures et une réduction des quantités d’eau allouées aux activités industrielles. 

– En mai 2020, Donald Trump a interdit aux entreprises américaines et étrangères utilisant du matériel américain de vendre des puces au fabricant de smartphones chinois Huawei. Ces mesures ont obligé TSMC à cesser de livrer ses puces à Huawei, son deuxième client avant ces mesures. Quelques mois plus tard, le fabricant chinois de puces Semiconductor Manufacturing International Corporation (SMIC) a été placé sur la liste noire du département du commerce américain, pour l’empêcher d’accéder aux meilleures technologies américaines.

– Ainsi, Huawei et ses concurrents, et par un mouvement de panique les autres entreprises chinoises, ont constitué d’importants stocks de puces, aggravant la pénurie. 

– En juin 2021, TSMC a annoncé donner la priorité à Apple et aux constructeurs automobiles dans la production des semi-conducteurs.

🌍 Un enjeu géopolitique 

– Taïwan est au cœur du conflit géopolitique qui oppose la Chine et les États-Unis. Alors que la Chine cherche à réunifier l’île de Taïwan selon le principe d’une Chine unique, les États-Unis bâtissent des relations politiques et économiques de plus en plus fortes avec Taïwan pour l’éloigner du giron chinois, comme récemment dans la lutte contre l’épidémie sur l’île. 

– Le marché des semi-conducteurs est devenu un nouveau terrain d’affrontement commercial entre la Chine et les États-Unis. Joe Biden a la volonté d’augmenter l’indépendance des États-Unis dans la production de semi-conducteurs, tandis que la Chine plaçait le développement du secteur comme l’une des ses principales ambitions dans son 14e plan quinquennal. 

– Pourtant, les deux premières puissances mondiales sont dépendantes de leurs importations sur le marché des semi-conducteurs. Les États-Unis représentent 12% de la production mondiale. En Chine, depuis 2015, les semi-conducteurs sont le premier produit importé devant le pétrole. – L’Europe, quant à elle, s’est fixé comme objectif de produire 20% des semi-conducteurs dans le monde d’ici 2030. Aujourd’hui, les semi-conducteurs de fabrication européenne ne représentent que 10% du seul marché européen, grâce aux entreprises néerlandaise NXP et franco-italienne STMicroelectronics.

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[Modification 21.12.2021 : ajout de ce lien dans le dernier paragraphe de la partie « Un risque de pénurie »]