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L’islamo-gauchisme existe-t-il ?

L’islamo-gauchisme existe-t-il ?

En bref :

Le 15 février, la ministre de l’Enseignement supérieur Frédérique Vidal annonçait vouloir demander « au CNRS de faire une enquête sur l’ensemble des courants de recherche » sur « l’islamo-gauchisme » qui, selon elle, « gangrène la société dans son ensemble ». Le gouvernement ne commente pas. Les universitaires, eux, accusent la ministre d’utiliser une notion sans fondement scientifique, d’instrumentaliser le CNRS, de menacer la liberté de recherche, mais aussi de se détourner de dossiers plus urgents (précarité des étudiants, dénonciations d’agressions sexuelles dans les IEP, etc).

🗒️ Pourquoi c’est intéressant ? Derrière la polémique, on voit poindre des enjeux électoraux et des discours fondés sur des données assez floues.

Les faits : 

🏛️ Que disent les politiques de l’islamo-gauchisme ? 

– Universitaires et médias de gauche considèrent le terme “islamo-gauchiste” comme une injure (l’islamophobie est en hausse en France) et une récupération de l’extrême-droite.

Extrême-droite, droite et une partie du centre-droit (au moins Jean-Michel Blanquer) le qualifient de “fait social indubitable”, de “réalité politique”.

🎓 Et les scientifiques, qu’en pensent-ils ? 

– Le CNRS estime que l’”islamo-gauchisme” n’a aucune valeur scientifique. Après avoir étudié l’usage du mot, le chercheur D. Chavalarias conclut que “le piège de l’alt-right (“droite alternative”, extrême) se referme sur la Macronie”

– Le créateur de l’expression en 2002, l’historien Pierre-André Taguieff, rappelle qu’elle désignait à l’origine une “mouvance hybride”, qui trouve alors sa raison d’être dans « des convergences idéologiques et des alliances stratégiques » autour de ce qu’il appelle « ”l’antisionisme radical », dont l’objectif est la destruction d’Israël”. L’expression détournée connaît le succès médiatique depuis 2016 et son utilisation par Elisabeth Badinter. 

🗯️ Et culturellement, à quoi est-ce que ça pourrait se rattacher ? 

En creux se dessine un débat plus profond, qui oppose en France : 

– d’un côté les promoteurs de l’universalisme et de la laïcité, qui craignent que reconnaître des particularismes n’altère le pacte répubicain et pointent l’islam ou l’islamisme comme une menace pour la laïcité.

– de l’autre, les tenant·es d’une approche intersectionnelle dans la recherche (interrogations sur la construction des sciences sociales par un unique groupe social plutôt homogène de personnes blanches, issues de pays colonisateurs ; ouverture à d’autres voix) et en politique (affirmation des vécus différents des personnes selon la somme de leurs particularités).

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