03-08
Flint Production
L’industrie de l’énergie doit-elle cesser d’émettre des gaz à effets de serre ?
En bref :
En amont de la COP26, qui se tiendra en novembre à Glasgow, les États se réunissent, les scientifiques publient, les industries se préparent… Et celle de l’énergie, responsable des trois quarts des émissions mondiales de gaz à effet de serre, fait face à un enjeu de transformation urgente. En mai, l’Agence internationale de l’énergie publiait d’ailleurs un rapport selon lequel aucun nouvel investissement ne doit être réalisé dans des installations de pétrole ou de gaz sans solution de capture du CO2. Une déclaration “tremblement de terre” d’après le directeur du centre énergie et climat de l’IFRI interrogé par le Monde : “L’AIE tourne le dos à l’industrie des hydrocarbures qu’elle a longtemps soutenue. C’est un message très fort.”
💡 Pourquoi c’est intéressant ? Aussi pressante soit la lutte contre le réchauffement climatique, il est parfois compliqué de savoir par où commencer. Cela relance aussi les débats opposant innovation et croissance vertes à la décroissance.
Les faits :
🌡️ Pourquoi faudrait-il tourner le dos aux hydrocarbures ?
– Depuis la convention-cadre des Nations unies sur le changement climatique, en 1992, les émissions de CO2 des industries et du secteur de l’énergie ont augmenté de 60%.
– À l’échelle mondiale, le mix énergétique (répartition des différentes sources d’énergie) est dominé à 84% par les énergies fossiles (pétrole, charbon, gaz), dont l’usage produit beaucoup de gaz à effet de serre.
– Dans son rapport 2018, le Groupe intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a démontré la nécessité de réduire les émissions de gaz à effets de serre à zéro pour stabiliser les températures mondiales : aucun des scénarios étudiés ne permettait d’enrayer le réchauffement climatique sans cette réduction. C’est de là que vient l’objectif de zéro émission nette, ou de neutralité carbone, que se sont fixés 110 pays.
🏢 L’agence internationale de l’énergie, c’est quoi ?
– L’agence internationale de l’énergie est une organisation internationale fondée en 1974, à l’OCDE, et installée à Paris. Elle compte 30 pays membres (principalement développés), 8 associés (plutôt émergents), et trois en cours de candidature.
– Dans le passé, l’AIE a souvent été critiquée pour ses erreurs de jugement, notamment sa sous-estimation de secteurs comme le photovoltaïque.
📊 Pourquoi ce rapport est un tremblement de terre ?
– L’AIE estime que “le système énergétique global nécessite une transformation complète”. Les “investissements mondiaux annuels dans l’énergie propre devront plus que tripler d’ici 2030 pour atteindre les 4 mille milliards de dollars”, tandis que l’usage du charbon doit réduire de 90% d’ici 2050, et celui du pétrole de 75%.
– Le scénario de l’AIE se base sur une diminution de 8% de la demande d’énergie (grâce aux changements de comportements et aux gains technologiques), malgré l’augmentation de 2 milliards de personnes de la population globale. Il mise aussi sur des techniques (bioénergies, capture et stockage de CO2) dont le développement est difficile à anticiper.
🧮 Qu’implique la réduction des émissions de GES pour l’industrie de l’énergie ?
– Le rapport soulève de gros enjeux d’innovations technologiques, aussi bien pour remplacer des outils comme les chaudière au fioul, les voitures à essence, que pour la gestion et le stockage de l’électricité, qui “doit permettre d’assurer la moitié des besoins en énergie d’ici 2040, puis 90% en 2050”. En France, l’importance que donne l’AIE à l’électricité alimentera certainement les débats autour de l’usage du nucléaire [lire notre kit].
– L’enjeu est aussi financier : l’AIE estime que les investissements dans le secteur des énergies propres doit passer de 2 à 5 000 milliards de dollars (4 1000 milliards d’euros). En creux, en France, cela soulève par exemple la question des investissements réalisés par le secteur bancaire, premier financeur européen des énergies fossiles.
– L’ONU rappelle aussi l’engagement de 100 milliards de dollars des pays développés pour aider ceux en développement à atténuer, adapter, organiser leur résilience [lire notre kit sur la famine en cours à Madagascar, en partie causée par le réchauffement climatique]. Elle estime en outre que le développement d’énergies vertes sera bénéfique pour l’économie, avançant le chiffre de 26 000 milliards de dollars de gain direct d’ici 2030.
– Un autre défi est (géo)politique : pour certains pays comme le Japon, très dépendant au charbon, l’objectif zéro carbone sera plus complexe à atteindre. Pour d’autres, comme ceux de l’OPEP, le reflux supposé de la demande de pétrole est un enjeu à part entière – une piste explorée étant de les transformer en pays producteurs de métaux et minerais.
– Il y a enfin la question du temps : plus nous sommes lents à réduire nos émissions, plus nous devrons inventer de technologies pour produire des émissions négatives, mais aussi plus les déplacements de population s’aggraveront. – Ce dernier enjeu entraîne d’autres débats, notamment sur la possibilité d’opter pour une croissance verte ou le besoin de viser une décroissance.
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