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Pourquoi développer des tiers-lieux ?

Pourquoi développer des tiers-lieux ?

En bref :

Présentés comme “un facteur de fédération d’une société” et “un antidote au repli sur soi” par Jean Castex, les tiers-lieux fleurissent dans les zones urbaines mais aussi, de plus en plus, dans les zones rurales. Dans un monde d’après-pandémie, ils sont présentés comme un nouveau modèle de vivre ensemble et d’innovation. Quels sont ces endroits dans lesquels l’État compte investir 130 millions d’euros ?

💡 Pourquoi c’est intéressant ? À l’heure où les fractures politiques et sociales se multiplient, repenser le travail, les relations humaines et le rapport à l’environnement sont des défis de taille. Les tiers-lieux sont des espaces où s’ouvrent une partie de ces réflexions sur un futur durable. 

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Les faits :

🌱 Avant tout, un tiers-lieu, c’est quoi ?

– À l’origine de ce terme, le sociologue américain Ray Oldenburg, qui les définit comme (€) “ni absolument un chez-soi, ni un simple bureau” et qui proposent “un mélange d’usages au sein d’un même espace, avec une volonté de produire du commun”. 

– Selon l’association “France Tiers-Lieux”, ces endroits regroupent plusieurs activités et personnes, rassemblées dans “une démarche collective d’intérêt général”, qui répond à un besoin territorial. Ils représentent “des leviers d’innovation grâce aux rencontres, aux collaborations et aux projets collectifs qu’ils encouragent, grâce à l’apprentissage et à la créativité qu’ils favorisent et grâce aux espaces de convivialité qu’ils offrent”.

– À ce jour, la France compte 2 500 tiers-lieux, qui pèsent pour 250 millions d’euros de chiffre d’affaires, et emploient 150 000 personnes. En 2019, près de 2,2 millions de Français ont fréquenté (€) un tiers-lieu, mais la crise Covid a sans doute rebattu les cartes.

– En pratique, il existe différents types de tiers-lieux, plus ou moins éphémères, allant d’espaces de coworking à des bars et autres lieux de loisirs, en passant par des fablabs, des ateliers de jardinage ou des potagers.

💸 Comment vivent-ils?

– Ces structures, le plus souvent associatives, dépendent à 50% (€) de subventions publiques, généralement versées par la région. Pour Marie Massiani, cheffe de projet au tiers-lieu “Moulin digital”, “la plupart du temps, les tiers-lieux n’ont que trois mois de trésorerie et restent fragiles économiquement”. 

– En 2019, seulement 21% des tiers-lieux français réalisaient des bénéfices (€), et 49% étaient à l’équilibre. 

💡 Tiers-lieux et réflexions sociales

– Pour Patrick Levy-Waitz, président de l’Association France Tiers-Lieux, ces nouveaux espaces sont de “formidable laboratoire d’idées” pour engager la transition vers le monde d’après-Covid, et “le meilleur levier pour inventer de nouvelles manières de travailler et créer du neuf, en retissant du lien social.

– Les tiers-lieux peuvent représenter de nouvelles perspectives d’emploi et de réinsertion professionnelle, car “la mixité, l’environnement partagé et l’expérimentation de plusieurs activités permettent la reprise de confiance des personnes éloignées de l’emploi”. 60% des tiers-lieux (€) délivrent actuellement des formations de toutes sortes.

– Aussi, durant le premier confinement 9 tiers-lieux sur 10 en France se sont mobilisés pour apporter aide et soutien : production de matériels pour les soignants, accompagnement numérique pour les personnes isolées et/ou précaires, accueil d’étudiants (€),… 

– Comme l’explique la journaliste Jeanne Guarato, investir dans les tiers-lieu veut aussi dire replacer l’humain au centre des projets, plus tôt que seulement chercher le profit. 

♻️ Tiers-lieux et réflexions environnementales 

– À ce jour, concernant les tiers-lieux à inclination environnementale, aucune étude ne permet de prouver leurs bénéfices pour l’environnement. De nombreux tiers-lieux font le choix de la logique d’urbanisme circulaire, c’est-à-dire de “redonner de l’usage à des lieux abandonnés plutôt qu’utiliser des terres qui ont jusque-là échappé à l’artificialisation”. 

– Les tiers-lieux peuvent également être l’occasion de « sensibiliser les publics aux pratiques écoresponsables” détaille la journaliste Leïla Le Douaran, comme le recyclage, la récupération des eaux de pluies, l’alimentation durable ou encore la réparation d’objets. 

– Les tiers-lieux proposent aux actifs une solution pour éviter de se rendre dans les centres-villes pour travailler, ce qui entraîne une réduction du trafic urbain et donc de la pollution. Ils permettent également un rééquilibrage entre les territoires, en rendant plus attractifs ceux délaissés pour les villes. 

💡 D’autres manières de travailler, d’autre manières de consommer

– Ces lieux accompagnent les évolutions du rapport au travail des jeunes générations : réflexions sur l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle, développement du télétravail permis par les nouvelles technologies, attrait du travail indépendant… 

– Dans les fablabs, la culture maker, très présente, met aussi à l’honneur la capacité de créer soi-même des objets techniques ou technologiques, utiles au quotidien. Ceci dans une logique d’entraide et de sortie de la surconsommation. 

❓ Existe-t-il des critiques des tiers-lieux ?

– À trop vouloir encourager la mixité sociale, les tiers-lieux peuvent parfois produire des effets non-désirés comme la gentrification, qui empêche la pleine intégration des populations locales, notamment lorsque le tiers-lieu est implanté dans un quartier défavorisé ou en transition. Pour l’urbaniste Sharon Zukin, ces espaces peuvent avoir “l’effet de sortir les habitants de longue date de leur zone de confort, modifiant par étape les lieux adaptés à leur mode de vie en faveur d’une nouvelle population, qui impose ses goûts et exprime sa légitimité à s’accaparer l’espace public”. 

– Une hypothèse s’est formée au fil des années, selon laquelle certains tiers-lieux pourraient avoir un usage expérimental afin “de mesurer leurs potentialités à l’aune des besoins et des nouveaux usages”, ce que critique Jean-Laurent Cassely, journaliste spécialisé sur les modes de vie et les valeurs des classes supérieures urbaines : “l’occupation temporaire et ses propositions fonctionnent comme un showroom des usages à venir”. 

– Si de nombreux tiers-lieux sont présentés comme éphémères, beaucoup s’implantent finalement de manière permanente, et se transforment en outil marketing et de promotion de “la ville de demain”.

– Selon Eric Briones, cofondateur de Paris School of Luxury et expert des nouvelles tendances business, ces lieux plus ou moins éphémèresrépondent à un besoin du citadin d’aujourd’hui qui se lasse extrêmement vite” mais sont aussi “liée à une forme de gentrification et à la nature même de l’actuelle bourgeoisie, qui se transforme en classe aspirationnelle”.

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