16-09
Flint Production
Applications smartphone : Corée du Sud vs Apple et Google
En bref :
Et si l’hégémonie d’Apple et de Google dans le téléchargement d’application prenait fin ? C’est en tout cas ce que compte imposer la Corée du Sud sur son territoire. Le 31 août, le parlement coréen a validé, à l’unanimité, le Telecommunications Business Act, qui contraint l’Apple Store et le Play Store à autoriser des systèmes de paiements tiers pour les achats sur ces deux plateformes.
💡 Pourquoi c’est intéressant ? Parce que le sujet met en lumière le fonctionnement des magasins d’applications que nous utilisons au quotidien sur nos téléphones, sans forcément y prêter attention. De plus, cette décision pourrait servir de jurisprudence à d’autres pays désireux d’ouvrir le marché des boutiques d’applications en ligne.
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Les faits :
📱 App Store et Play Store : qu’est-ce que c’est ? Il est avant tout important de différencier les deux plateformes.
– La première appartient à Apple, et est disponible sur tous les appareils vendus par Apple (iPhone, iPad, Mac, Apple Watch…). C’est le seul magasin d’applications possible pour ces appareils. L’App Store se décline dans 175 versions différentes, dans plus de 40 langues et déclare proposer près de 1,8 million d’applications différentes comme le renseigne Apple sur son site.
– Le Play Store, ou Google Play, est la boutique numérique de Google. Le magasin est installé automatiquement sur tous les appareils fonctionnant sous Android (le système d’exploitation de Google, par opposition à iOS chez Apple). Il est aussi un outil indispensable pour le bon fonctionnement de l’appareil puisqu’il est responsable de ses mises à jour.
– Quand un utilisateur télécharge une application payante via l’App Store ou Play Store, il doit obligatoirement payer via le système de paiement de cette boutique (Apple Pay ou Google Pay). Pareil lorsqu’il effectue des achats in-app (réalisés au sein même des applications, une fois celles-ci téléchargées).
💸 D’où viennent les revenus du Play Store et de l’App Store ?
– Ces magasins d’applications ont deux types d’utilisateurs : les marchands d’applications, souvent des développeurs, qui créent ces applications et passent par l’App store ou le Play store pour les distribuer au plus grand nombre. Et les consommateurs finaux, ceux qui, comme vous et moi, téléchargent des applications (gratuites ou payantes) pour y jouer, s’informer, consulter la météo, etc.
– Lorsqu’un consommateur télécharge une application payante sur l’App Store ou le Play Store, Apple et Google perçoivent une commission de 30% sur le prix d’achat (et depuis peu, 15% pour les développeurs qui réalisent moins d’un million de chiffre d’affaire sur l’App Store, 15% sur le premier million de dollars générés sur le Play Store, précise le site spécialisé dans le numérique Siècle Digital).
– Mais – et c’est ce qui crée la plus grande discorde – les deux géants récupèrent également une commission de 30% lorsque les consommateurs achètent in-app (par exemple, lorsque vous payez quelques centimes pour passer au niveau suivant d’un jeu, ou que vous voulez vous abonner à un service payant). En effet, le Play Store comme l’App Store obligent les développeurs à utiliser leur système de paiement s’ils veulent que leur application soit acceptée et proposée aux consommateurs finaux via leurs magasins d’applications, détaille le site spécialisé Business Insider. Les deux géants considèrent que c’est la manière la plus sécurisée de procéder, comme l’explique le site spécialisé dans les produits Apple, Iphon.fr.
– Pourtant, nombre de développeurs d’applications peuvent mettre en place leur propre système de paiement, ou en utiliser d’autres (PayPal, Stripe, etc) tout aussi sécurisés. C’est ce que défendent Epic Games, Spotify ou encore Tinder, en guerre contre ce qu’ils estiment être un monopole des paiements détenu par Apple et Google.
– Comme le renseigne le Journal du Geek, en 2020, l’App Store a généré 72,3 milliards de dollars, le Play Store 38,6 milliards de dollars. Ces recettes sont en hausse par rapport à 2019, respectivement de 30,3% et 30%.
🇰🇷 Qu’a fait la Corée du Sud ?
– Avec sa loi “anti-Google”, la Corée du Sud veut obliger Apple et Google à permettre aux développeurs de proposer les systèmes de paiement qu’ils souhaitent pour les achats in-app, mais aussi directement pour le téléchargement d’applications payantes dans l’App Store et le Play Store. Paypal, Stripe, Square, Braintree ou tout autre service alternatif devront être acceptés, ce qui empêchera les deux firmes de prélever systématiquement leur taxe (expliqué ici par le site iGeneration).
– Selon le programmateur et fondateur de Basecamp David Heinemeier Hansson, cette décision de la Corée du Sud va permettre aux autres pays de prendre des mesures similaires (🇬🇧) pour mettre fin au duopole Apple-Google sur le marché des applications.
– Apple déclare regretter cette décision parce qu’il craint une perte de confiance des utilisateurs dans l’App Store, selon le média spécialisé dans la couverture des technologies ARS Technica (🇬🇧), donc une réduction des opportunités pour les 482 000 créateurs coréens, reprend le site belge l’Écho.
– Selon le site spécialisé dans les produits Apple iMore (🇬🇧), Tim Cook a également rappelé qu’Apple devrait continuer à percevoir une commission, même si le choix des moyens de paiements devenait plus large. En effet, selon lui, la plateforme permet d’assurer un espace sécurisé aux développeurs comme aux utilisateurs finaux.
– Selon le directeur des politiques publiques chez Google Wilson White, qui s’exprime auprès du site d’information d’Haïti RezoNòdwès, la décision du parlement coréen a été “précipitée” puisqu’elle “n’a pas permis d’analyser suffisamment l’impact négatif du texte sur les consommateurs coréens et les développeurs d’applications”.
❓ D’autres actions en cours ?
– La Corée du Sud n’est pas la première à vouloir porter atteinte au duopole Apple-Google et à cette commission. Selon Reuters (🇬🇧), l’Inde a également lancé une procédure contre l’Apple Store pour les mêmes raisons, ainsi que le Royaume-Uni pour “comportement anticoncurrentiel présumé” (🇬🇧).
– En avril 2021, l’Union européenne accusait Apple “d’abus de position dominante” sur le marché de la musique, deux ans après une plainte de l’entreprise Spotify à propos de cette commission, qu’Apple Music, en comparaison, n’avait pas besoin de payer (à lire dans Le Monde).
– Epic Games, le développeur du jeu vidéo en ligne Fortnite, est également en pleine bataille judiciaire contre la firme de Tim Cook. Pendant un temps, les joueurs ont pu acheter du contenu, notamment de la monnaie virtuelle, directement via le jeu, en payant moins cher qu’en passant par l’App Store. Apple a décidé de retirer Fortnite de son store, et Epic Games a porté plainte pour “abus de position dominante » (à suivre sur Franceinfo). Le 10 septembre, le site les Echos rapportait qu’une première décision judiciaire oblige désormais Apple à laisser Epic Games proposer ses propres systèmes de paiement aux utilisateurs.
– En 2020, de nombreuses entreprises, dont Epic Games, Spotify, ProtonMail, Deezer ou encore Basecamp, ont décidé de former « Coalition for App Fairness (🇬🇧), notamment pour contrer le monopole d’Apple en promouvant une liberté de choix et une compétition juste dans le secteur des applications.
– En réponse aux nombreuses critiques dont faisait l’objet l’App Store, Apple a décidé le 1er septembre 2021 que certains développeurs, ceux des applications de lecture (Netflix, Spotify, ou de presse, par exemple) pourront, dès 2022, proposer aux utilisateurs un autre moyen de s’abonner ou d’acheter des services que par le seul système de paiement de l’App Store, ce que détaille le site Siècle Digital. Quelques jours avant, comme expliqué dans Les Echos (€), Apple avait autorisé les applications à communiquer par mail à leurs utilisateurs l’existence d’autres systèmes de paiement, action jusque-là interdite.
❓ D’autres acteurs ? En sous-texte, la question des frais perçus par Apple et Google sur leurs magasins d’applications pose la question de leur quasi duopole sur la vente d’applications.
– En effet, plusieurs “stores alternatifs” tentent d’exister à leurs côtés, listés par Clubic. Disponibles uniquement sur Android, ils permettent par exemple de remplacer le Play Store dans des pays où les smartphones n’ont pas accès à Google (comme en Chine par exemple). Ils permettent également de télécharger des applications que le Play Store ne propose pas, soit parce qu’elles ne remplissent pas tous les critères d’acceptation, soit parce que la localisation géographique ne le permet pas. Aptoide, F-Droid, Uptodown App store ou encore Amazon Appstore en sont des exemples.
– En 2019, les États-Unis plaçaient l’entreprise Huawei sur leur liste noire (à lire sur le site de l’association UFC-Que Choisir) l’empêchant ainsi de commercer avec Google et donc de vendre ses smartphones sous Android à l’étranger. Pour se débarrasser de cette dépendance à Google, le géant chinois des télécommunications s’est associé aux firmes chinoises Xiaomi, Oppo et Vivo pour lancer son propre store (CNet, spécialisé high-tech).
– Margrethe Vestager, la commissaire européenne à la Concurrence, souhaite que l’Apple Store puisse proposer des boutiques en ligne alternatives, afin d’établir un marché des applications plus équitable, comme le rapportait un autre site spécialisé dans les produits Apple, MacGeneration.
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