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Flint Production
Que penser du télétravail ?
Travailler depuis ton salon, un café ou un tiers-lieu (que nous évoquions ici), toute la semaine ou seulement quelques jours, est peut-être devenu ton habitude depuis plus d’un an. Si le télétravail a surtout permis à des millions de Français de poursuivre leur activité professionnelle en 2020 alors que le monde entier tournait au ralenti, qu’apporte-t-il aujourd’hui à la vie professionnelle ?
💡 Pourquoi c’est intéressant ? Réfléchir aux avantages et désavantages du télétravail peut aider à réfléchir à notre rapport et à notre perception du monde professionnel.
Les faits :
🏠Le télétravail et la crise sanitaire
– Au second trimestre 2020, lorsque le monde entier s’est confinĂ©, l’International Labour Organization estime Ă 557 millions le nombre de personnes ayant travaillĂ© depuis chez elles, soit 17,4% des travailleurs dans le monde.
– En France, lors du premier confinement, environ 20% des actifs français ont tĂ©lĂ©travaillĂ© (Franceinfo). Un an après, en mai 2021, ils Ă©taient 26% Ă tĂ©lĂ©travailler rĂ©gulièrement (Hubspot). Pour rappel, sur les 27 millions d’emplois existants, 18 millions sont incompatibles avec le tĂ©lĂ©travail (artisans, commerçants, professions de la santĂ© et du monde agricole, etc).
– En 2021, le tĂ©lĂ©travail est loin d’être la règle dans les entreprises françaises : selon un rapport de la Dares, au 31 juillet 2021, 38% des salariĂ©s travaillaient dans une entreprise qui n’offrait pas la possibilitĂ© de tĂ©lĂ©travailler. 47% pouvaient tĂ©lĂ©travailler une partie de la semaine et 15% toute la semaine. Mais les Ă©tats d’esprit Ă©voluent : 27% des salariĂ©s disent travailler dans une entreprise qui compte instaurer de nouvelles règles de tĂ©lĂ©travail, ou faire Ă©voluer celles dĂ©jĂ existantes. Au contraire, 42% des entreprises n’envisagent aucun changement.
⚙️ Le télétravail, pour une meilleure productivité ?
– Selon plusieurs Ă©tudes, la productivitĂ© des salariĂ©s augmente en tĂ©lĂ©travail. En 2011, l’étude de Stanford en Chine (que Le Monde explique en vidĂ©o) chiffrait cette augmentation Ă 13%. En 2016, Kronos l’établissait Ă 22%, tout comme l’Institut Sapiens (23%) très rĂ©cemment. Les salariĂ©s eux-mĂŞmes se sentent plus productifs, comme le dĂ©montrent l’ADEME (Agence de l’environnement et de la maĂ®trise de l’Ă©nergie : 53,4% estiment que leur productivitĂ© a augmentĂ© en tĂ©lĂ©travail) ou la SWAA (Survey of Working Arrangements and Attitudes) aux États-Unis (40% jugent ĂŞtre plus productifs que leurs collègues au travail).Â
– L’Institut Sapiens livre plusieurs explications Ă ce gain : moins de temps perdu dans les transports, un environnement de travail plus calme, moins de rĂ©unions, plus de motivation Ă la responsabilisation, une meilleure gestion de son emploi du temps et un rythme de travail plus adaptĂ© Ă chacun.
– Mais sur le long terme, gĂ©nĂ©raliser le tĂ©lĂ©travail pourrait gĂ©nĂ©rer des effets pervers sur les salariĂ©s : perte de motivation, isolement, Ă©puisement numĂ©rique, distraction par des tâches domestiques (BFMTV). Laurent Cappelletti, coauteur de l’étude de l’Institut Sapiens, rappelle sur Franceinfo l’importance du management en tĂ©lĂ©travail pour Ă©viter ces dĂ©rives.
– SĂ©bastien Lacroix, directeur associĂ© du cabinet McKinsey, nuance cette augmentation de la productivitĂ©, en la restreignant aux tâches administratives et rĂ©pĂ©titives, car pour celles “laissant une large part Ă la crĂ©ativitĂ© et l’innovation, les interactions propres Ă la collaboration sur site demeurent essentielles” (Les Echos). Une Ă©tude japonaise du chercheur Masayuki Morikawa a elle estimĂ© une perte de 30% de productivitĂ© dĂ»e au tĂ©lĂ©travail.
🧠Le télétravail, pour une meilleure santé mentale ?
– Pour l’ADEME, le tĂ©lĂ©travail a permis aux salariĂ©s d’amĂ©liorer leur gestion du stress (61,3%), leur concentration (60,1%) et l’équilibre entre vie professionnelle et personnelle (58,7%). En revanche, une partie estime que leur espace de travail s’est dĂ©gradĂ© sur le plan matĂ©riel (28,9%), tout comme leurs relations professionnelles (26,3%).
– Mais le tĂ©lĂ©travail peut aussi ĂŞtre source de souffrances psychologiques : dans l’étude de l’Ugict-CGT (Union gĂ©nĂ©rale des ingĂ©nieurs, cadres et techniciens-CGT, septembre 2021), 26% des rĂ©pondants tĂ©moignent d’un Ă©tat d’anxiĂ©tĂ©, ou de dĂ©pression, accru en tĂ©lĂ©travail en 2021 (35% en 2020). Pour 47% des rĂ©pondants, la charge et le temps de travail ont augmentĂ© en 2021. 60% reconnaissent avoir dĂ©jĂ eu des tensions relatives Ă l’équilibre entre leur vie personnelle et professionnelle.
– Une autre enquĂŞte rĂ©alisĂ©e en France entre avril et mai 2021 par Empreinte Humaine conclut que 10% des rĂ©pondants sont en burn-out sĂ©vère, soit deux millions de salariĂ©s en France, deux fois plus qu’en 2020. 44% sont concernĂ©s par une dĂ©tresse psychologique, dont 17% Ă un stade Ă©levĂ©. Un sondage Harris Interactive de janvier 2021 montre que plus d’un tiers des rĂ©pondants ressentent un stress accru Ă cause du tĂ©lĂ©travail. Un numĂ©ro vert pour les tĂ©lĂ©travailleurs en difficultĂ© Ă Ă©tĂ© mis en place par le gouvernement, permettant la mise en relation avec des psychologues.
⚖️ Le télétravail, pour une meilleure égalité professionnelle ?
– La Gazette Oise relève que le tĂ©lĂ©travail peut ĂŞtre un levier de recrutement, car selon Pascal Favre, reprĂ©sentant du Lab RH, “l’accès au tĂ©lĂ©travail fait dĂ©sormais partie des critères discriminants dans l’apprĂ©ciation d’une offre d’emploi par rapport Ă une autre”. Selon l’ADEME, trois quarts des demandeurs d’emploi ont dĂ©jĂ renoncĂ© Ă postuler Ă un poste en raison des distances domicile-travail, et trois quarts des actifs en recherche d’emploi ont des difficultĂ©s d’accès Ă l’emploi en raison des transports.
– Le tĂ©lĂ©travail peut Ă©galement ĂŞtre perçu comme un outil d’inclusion : pour les personnes en situation de handicap, ou souffrant de pathologies comme les allergies ou l’asthme, tĂ©lĂ©travailler de manière rĂ©gulière est une assurance de pouvoir continuer son activitĂ© professionnelle, tout en se facilitant le quotidien (Wedemain, Institut Sapiens).
– Pendant le premier confinement, en France, selon l’Insee, 80% des cadres et professions intellectuelles supĂ©rieures ont pu tĂ©lĂ©travailler, contre 30% des employĂ©s, et 7% des ouvriers. Pour Gilbert Cette, professeur associĂ© Ă l’universitĂ© Aix-Marseille et Jacques Barthelemy, avocat-conseil honoraire en droit social, le tĂ©lĂ©travail peut engendrer et renforcer les inĂ©galitĂ©s professionnelles en favorisant les catĂ©gories les plus diplĂ´mĂ©es et les mieux rĂ©munĂ©rĂ©es (Les Echos).
– L’étude de Stanford dans un centre d’appel en Chine montre que les employĂ©s en prĂ©sentiel ont reçu 50% de promotions en plus que les tĂ©lĂ©travailleurs, notamment parce que leurs performances seraient plus remarquĂ©es. L’enquĂŞte de l’Ugict-CGT ajoute que deux tiers des rĂ©pondants tĂ©lĂ©travailleurs estiment que les entreprises attendent plus d’eux, et que leurs objectifs personnels ont augmentĂ©.
– Une Ă©tude de l’INED (Institut national d’Ă©tudes dĂ©mographiques) de mai 2020, reprise ici par Le Monde, montre que les inĂ©galitĂ©s de genre sont accentuĂ©es en tĂ©lĂ©travail : les femmes peuvent moins s’isoler que les hommes (41% contre 26%, en sachant que lors du premier confinement, 48% de tĂ©lĂ©travailleuses vivaient avec au moins un enfant, contre 37% de tĂ©lĂ©travailleurs), et lors du premier confinement, parmi les parents d’enfants de moins de 16 ans, elles sont 47% Ă avoir passĂ© plus de quatre heures Ă s’en occuper contre 26% des hommes.
– DĂ©but 2021, le cabinet de conseil en ressources humaines ConvictionsRH a chiffrĂ© le surcoĂ»t en frais courants (eau, Ă©lectricitĂ©, chauffage), par salariĂ© pour 20 jours de tĂ©lĂ©travail par mois, entre 13 euros et 174 euros par mois (Le Parisien), selon la surface habitĂ©e, le type de chauffage, les modalitĂ©s d’aide Ă la restauration…
♻️ Le télétravail, meilleur pour l’environnement ?
– Pour Françoise Berthoud, ingĂ©nieure de recherche en informatique au CNRS et directrice d’EcoInfo (groupe de travail du CNRS pour rĂ©duire les impacts environnementaux du numĂ©rique), il est encore trop tĂ´t pour connaĂ®tre les impacts du tĂ©lĂ©travail sur l’environnement (Challenges).
– Selon l’ADEME, un jour de tĂ©lĂ©travail par semaine fait Ă©conomiser 271 kilogrammes Ă©quivalent CO2 par an. Il rĂ©duirait les dĂ©placements de 69% et les distances parcourues de 39% (ADEME)
– En 2014, une Ă©tude allemande estimait quant Ă elle Ă 10% l’augmentation de la consommation d’énergie domestique en tĂ©lĂ©travail. Si l’ADEME conclut Ă une rĂ©duction des Ă©missions de gaz Ă effet de serre avec le tĂ©lĂ©travail, elle identifie aussi quatre facteurs qui peuvent limiter cette diminution : une partie des dĂ©placements du trajet domicile-bureau continuent (amener les enfants Ă l’école par exemple), de nouveaux apparaissent (activitĂ©s, courses), les flux vidĂ©o et la consommation Ă©nergĂ©tique du domicile augmentent. En prenant en compte ces “effets rebonds significatifs”, l’ADEME estime finalement l’économie d’un jour de tĂ©lĂ©travail hebdomadaire Ă 187 kilogrammes Ă©quivalent CO2 par an.
– Une Ă©tude internationale publiĂ©e sur ScienceDirect conclut Ă une augmentation du nombre de dĂ©placements non-professionnels par semaine pour les tĂ©lĂ©travailleurs. Une autre Ă©tude du Forum Vies Mobiles menĂ©e en Angleterre rapporte que les trajets non-professionnels rĂ©alisĂ©s par les tĂ©lĂ©travailleurs sont plus longs, puisque ces derniers ont tendance Ă habiter plus loin.
– De plus, ce rapport de BNP Paribas 3 Step IT (rĂ©sumĂ© par Le Figaro) s’inquiète de l’impact du tĂ©lĂ©travail sur la production de dĂ©chets Ă©lectroniques : en 2020, 83% des entreprises françaises se sont munis de nouveaux Ă©quipements informatiques pour assurer le travail Ă distance de leurs employĂ©s, et 33% d’entre elles ne savent pas oĂą finissent leurs dĂ©chets Ă©lectroniques. Ă€ noter que chaque annĂ©e, 53,6 mĂ©gatonnes de dĂ©chets Ă©lectroniques sont produits dans le monde.
– Greenspector a Ă©valuĂ© Ă 1 gramme Ă©quivalent CO2 le coĂ»t carbone d’une minute de visioconfĂ©rence. Ces outils sont gourmands en Ă©nergie par le transfert de donnĂ©es qu’ils demandent, la sollicitation des serveurs et des appareils, etc… (20 minutes). Ă€ cĂ´tĂ© de ça, par exemple, un vol d’affaire Paris-Marseille consomme 27,5 litres de kĂ©rosène par passager et rejette 82,7 kilogrammes Ă©quivalent CO2 par passager.
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