30-11
Flint Production
Notre boîte mail, cette grande pollueuse
C’est l’un des moyens de communication les plus utilisés dans le monde. Ils sont utiles pour prendre contact, fixer une réunion, confirmer un achat, partager des éléments, bref, les mails sont omniprésents. Mais parce qu’ils sont uniquement accessibles en ligne ne signifie pas qu’ils n’ont pas d’effet sur nos vies et notre environnement. Au contraire, ta boîte de messagerie est une véritable machine à gaz à effet de serre.
💡 Pourquoi c’est intéressant ? Car cela nous amène à mieux comprendre le fonctionnement d’un outil du quotidien, à réfléchir à l’impact environnemental de nos usages numériques et à envisager à de nouvelles manières de fonctionner.
Les faits :
📧 Comment fonctionne une boite mail ?
– Derrière l’envoi d’un mail se cache tout un système de serveurs, qui fonctionnent en synergie pour que le message envoyĂ© d’un point A parvienne sans erreur Ă un point B, en un minimum de temps. Partons du point A, l’émetteur. Le mail envoyĂ© est transmis Ă un premier serveur de courrier Ă©lectronique chargĂ© du transport, le Mail Transport Agent (MTA, un bureau de poste virtuel). Grâce Ă un protocole spĂ©cifique (SMTP), ce serveur dĂ©livre ensuite, via des points de transit, le mail Ă un autre serveur, celui de courrier Ă©lectronique entrant, le Mail Delivery Agent (MDA, une boĂ®te aux lettres virtuelle). Ce serveur stocke alors tous les courriers Ă©lectroniques envoyĂ©s Ă une mĂŞme adresse. Ils seront enfin relevĂ©s par le point B grâce Ă un logiciel Mail User Agent (MUA) selon le protocole utilisĂ© (POP3 ou IMAP) (Comment ça marche ?).
– Il existe plusieurs fournisseurs de messagerie : Google (avec Gmail), Microsoft (avec Outlook), Yahoo! (avec Yahoo! Mail) ou Orange (avec Mail Orange) pour les plus connus mais aussi Zoho Mail, Tutanota ou Protonmail (TechAdvisor).
– Selon le rapport prĂ©visionnel de Radicati, en 2021, plus de 319 milliards de mails seront envoyĂ©s dans le monde, soit une augmentation de 4,3% par rapport Ă 2020. Futura Sciences, qui s’appuie sur les chiffres de ContactLab, prĂ©cise que chaque français reçoit en moyenne 39 emails par jour.
🏠Comment un mail pollue-t-il ?
– Selon le programme Carbon Literacy Project, l’envoi d’un mail standard coĂ»te 4 grammes d’équivalent (eq) CO2 (unitĂ© crĂ©Ă©e par GIEC afin de pouvoir comparer les impacts des diffĂ©rents gaz Ă effet de serre sur le rĂ©chauffement climatique, Connaissance des Ă©nergies). L’ajout de pièces jointes peut faire grimper cette empreinte carbone jusqu’à 50 grammes d’eqCO2. Les spams, qui reprĂ©sentent la moitiĂ© des messages reçus, reprĂ©sentent 0,3 grammes d’eqCO2. Une newsletter, comme celle que Flint t’envoie tous les matins, Ă©met 10 grammes d’eqCO2. L’Agence de la transition Ă©cologique (Ademe) a calculĂ© : les mails envoyĂ©s pendant un an par une entreprise de 100 personnes reprĂ©sentent 13 tonnes de CO2, soit 13 allers-retours Paris – New-York (Le Figaro).
– Comme l’explique Fabrice Boissier, directeur gĂ©nĂ©ral dĂ©lĂ©guĂ© de l’Ademe, sur LCI, lorsqu’il est envoyĂ©, un mail parcourt des milliers de kilomètres avant d’arriver dans la boĂ®te mail du destinataire, mĂŞme si celui-ci est ton voisin. Il doit nĂ©cessairement transiter via plusieurs serveurs hĂ©bergĂ©s dans des data centers, situĂ©s pour la plupart aux États-Unis (Les Horizons). La pollution qu’émettent ces datacenters, appelĂ©e pollution “dormante” (RTL), provient de l’électricitĂ© nĂ©cessaire Ă leur fonctionnement (Ă©lectricitĂ© produite dans la majoritĂ© des cas par le charbon ou le nuclĂ©aire) et Ă celui des systèmes de refroidissement qui Ă©vitent leur surchauffe (Le Monde).
– Le stockage de mails demande aussi beaucoup d’Ă©nergie, le plus souvent fossile, et est donc très polluant. Selon Cleanfox, application spĂ©cialisĂ©e dans le nettoyage de boĂ®te mail, stocker un mail pendant un an Ă©met 10 grammes de CO2. S’ils ne sont pas supprimĂ©s, ces mails sont stockĂ©s dans les data centers. Plus les mails s’y accumulent, plus la quantitĂ© d’énergie nĂ©cessaire Ă leur stockage augmente et plus les Ă©missions de CO2 sont importantes. Ă€ titre de comparaison, un voyageur Ă©met 145 Ă 285 grammes de CO2 par kilomètre parcouru en avion, 100 Ă 150 grammes en voiture ou encore 2,4 Ă 29,4 grammes en train (Greenly).
– En 2016, en deux mois, Cleanfox signale au Figaro avoir supprimĂ© 24 millions de mails dans 156 pays, soit l’équivalent de 240 000 kilogrammes de CO2.
âť“ Une pollution Ă©vitable ?
– Cleanfox a Ă©galement identifiĂ© les mauvais Ă©lèves des mails, ces entreprises qui envoient des dizaines de mails par an Ă leurs utilisateurs (20minutes) : rĂ©sultat, le stockage des mails envoyĂ©s par Twitter peut reprĂ©senter jusqu’à 1,91 kilogrammes de CO2. Vient ensuite LinkedIn (1,54 kg), Google (1,24 kg) ou encore Amazon (1,02 kg).
– Et pourtant, selon le Figaro qui reprend les chiffres de Cleanfox, seuls 16% des mails que Twitter envoie sont ouverts… Ce taux d’ouverture monte Ă 22% pour LinkedIn, 21% pour Google ou 17% pour Amazon, ce qui reste peu. Selon Futura Sciences, 80% des mails ne sont jamais ouverts. Concernant les mails envoyĂ©s par ces plateformes, il te suffit simplement de te rendre dans les paramètres de l’application, et de dĂ©sactiver les notifications par mails.
– Selon Edouard NattĂ©e, le P.-D.G de Foxintelligence, Ă©diteur de Cleanfox, chaque Français stocke entre 10 000 et 50 000 mails non lus dans sa messagerie (Futura Sciences).
– Mais Ă l’ère du numĂ©rique, beaucoup de mĂ©dias se reposent sur une newsletter, qu’elle soit au coeur de leur fonctionnement (Brief.me, Bulletin et mĂŞme Flint) ou une composante de leur stratĂ©gie Ă©ditoriale (Le Monde, Le Figaro, Ouest France, Numerama, Slate)(INA). Selon la solution d’emailing Sendinblue, l’envoi de mail est Ă©galement l’un des piliers des stratĂ©gies de marketing numĂ©rique, qui ne peuvent plus s’en passer.
🧠Quelles solutions ?
– Quelques gestes peuvent toutefois permettre de rĂ©duire cette pollution dormante : pour les Echos, Fabienne Touchard, responsable rĂ©gionale marketing chez Validity, conseille de rĂ©flĂ©chir Ă l’essentialitĂ© d’un mail avant de l’envoyer, de limiter le nombre de pièces jointes, de penser Ă ne pas “rĂ©pondre Ă tous” si seulement quelques personnes sont concernĂ©es, etc.Â
– Futura Sciences dĂ©taille plusieurs astuces pour rĂ©duire l’empreinte carbone de sa boite mail : prĂ©fĂ©rer les sms plutĂ´t que les mails, envoyer un lien hypertexte plutĂ´t qu’un document, se dĂ©sabonner des newsletter et abonnements inutiles, supprimer les anciennes adresses mails…
– En 2016, l’initiative Newmanity s’est lancĂ©e dans le but de proposer une boite mail verte : ses donnĂ©es Ă©taient uniquement stockĂ©es dans un data center alimentĂ© par des Ă©nergies renouvelables. Mais la sociĂ©tĂ© a fait faillite en 2019, et a Ă©tĂ© rachetĂ©e par l’Ă©diteur Mail Object, qui possède notamment Mailo.
– Une initiative visant Ă ajouter une date d’expiration dans les emails commerciaux a Ă©tĂ© lancĂ©e en 2021 par plusieurs acteurs de l’industrie de l’email marketing en France. L’objectif est de permettre aux marques de dĂ©finir une date après laquelle leurs emails deviennent obsolètes afin que les webmails et FAI puissent les supprimer automatiquement.
– On peut aussi citer mail.lilo.org qui estime l’équivalent CO2 de sa boite mail et propose de dĂ©tacher les pièces-jointes des mails stockĂ©s pour les tĂ©lĂ©charger localement, ce qui allège le stockage.
– Dans le podcast “L’enver(t) du dĂ©cor” du HuffPost, l’ingĂ©nieure de recherche au CNRS Françoise Berthoud explique que supprimer ces mails va au contraire surconsommer de l’énergie. Un telle action nĂ©cessite d’être connectĂ© pendant des heures devant son ordinateur.
[Modifications 01.12 : modification du 3e paragraphe de la partie « Solutions » grâce Ă la contribution d’un abonĂ©, ajout des 4e et 5e paragraphes dans la partie « Solutions » grâce Ă la contribution de Jonathan Loriaux et de Fabrice Perez]
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