01-07
Flint Production
Pourquoi les entreprises qui s’affichent pro LGBT font-elles débat ?
En bref :
28 juin 1969, New-York. Des policiers font une descente dans un bar gay de Greenwich Village, le Stonewall Inn. C’est fréquent à l’époque, mais cette fois-ci, les clients s’insurgent. La soirée tourne à la révolte et devient un moment fondateur du militantisme LGBT. Depuis, chaque année, l’anniversaire des émeutes de Stonewall est l’occasion d’événements pour fêter et faire connaître les communautés lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres, queer, intersexes et autre (LGBTQI+). En 50 ans, la célébration s’est ancrée dans les habitudes et a été adoptée par les marques. Problème : si beaucoup affichent un soutien à ces luttes sociales, plusieurs entreprises américaines participent en sous-main à financer des politiciens qui luttent contre les droits des personnes LGBT.
🗒️ À emporter : une entreprise qui affiche des valeurs d’inclusion ne les applique pas forcément. Cette démonstration de soutien aux personnes LGBT est parfois critiquée, car potentiellement perçue comme purement mercantile ou révélatrice d’une méconnaissance du sujet.
Les faits :
🌈 Droits LGBT
– Les militants LGBT se battent pour obtenir les mêmes droits que les personnes hétérosexuelles. Parmi leurs combats : la dépénalisation de l’homosexualité, la sortie de l’homosexualité, du transsexualisme et des troubles de l’identité de genre des catégorisations des maladies mentales, le mariage entre personnes du même sexe (possible dans 29 pays) et le droit à la procréation médicalement assistée, adopté en France ce 30 juin.
– Un signe de ralliement du mouvement LGBT est le drapeau arc-en-ciel, et, en lien direct avec Stonewall, le mois de juin est devenu le mois des fiertés.
– Si les droits des LGBT progressent peu à peu, 69 pays sur 193 interdisent encore le fait d’avoir des relations sexuelles avec une personne de même sexe. Les sanctions encourues y varient, de la qualification de ces relations comme actes “contre-nature” à la peine de mort.
– Même dans les pays où leurs droits sont légalement mieux acceptés, les populations LGBT restent victimes de violences, discriminées à l’école, en famille, au travail, avec un effet notable sur leur santé mentale – le taux de suicide est très élevé chez les jeunes.
– 88 pays dont la France interdisent la discrimination au travail en raison de l’orientation sexuelle.
🏳️🌈 Campagnes pro-LGBT
– Ne pas pouvoir assumer son orientation sexuelle au bureau revient à déformer une partie de sa réalité, expliquent les personnes concernées. Cela signifie ne pas parler librement de son week-end, devoir changer les pronoms de son ou sa conjoint·e, bref, créer des mensonges compliqués à tenir. IBM appelle cela « le coût de réfléchir à deux fois », considérant que le temps passé par le salarié à réfléchir à sa manière de se présenter est « du temps perdu pour son travail et pour son accomplissement ».
– Les jeunes diplômés sont demandeurs de politiques claires : l’enjeu de savoir si l’on pourra assumer son identité sur son lieu de travail étant de ne pas avoir à se cacher, mais aussi d’estimer si l’on risquera ou non des discriminations.
– L’émergence des politiques de Responsabilité sociale des entreprises (RSE) et l’attention que portent désormais les investisseurs aux critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) poussent les entreprises à s’engager, notamment pour l’inclusion.
– Certaines entreprises se positionnent donc comme LGBT friendly en arborant les couleurs de l’arc-en-ciel sur leurs réseaux sociaux ou dans leurs campagnes de communication. D’autres vont plus loin, proposant des réseaux professionnels LGBT, des avantages spécifiques pour les familles homoparentales, etc.
⚠️ Pinkwashing
– Construit sur le mot whitewashing (blanchiment), l’expression est désormais déclinée pour critiquer les engagements purement marketing des entreprises, des états, des institutions dans des combats progressistes : greenwashing pour les démonstrations écologistes de façade, pink ou rainbowashing pour les démonstrations pro-LGBT, féminisme washing, etc.
– Ce mois de juin, Popular Information révélait qu’au moins 25 entreprises américaines de renom, parmi lesquelles Verizon, AT&T, Walmart, Deloitte, JPMorgan ou Amazon, affichent leur soutien à la communauté, mais financent aussi des politiques porteurs de lois pour criminaliser l’offre de soin médicaux de transition de genre ou qui votent contre les lois anti-discrimination dans certains états américains.
– Google, Amazon, Ford, Exxon Mobil et General Motors sont les seules à avoir répondu, la plupart expliquant financer ces personnalités politiques pour des raisons liées à leurs industries, sans que cela ne signifie le soutien aux autres projets de ces élus.
🇫🇷 Et en France ?
– Selon un militant de LGBTech interrogé par Numerama, la France accuse un retard dans ses politiques car son modèle universaliste “efface les communautés. Résultat : les politiques de diversité sont bien moins développées qu’aux Etats-Unis”. En 2017, le Défenseur des droits alertait déjà sur le faible engagement des entreprises.
– Très lié au principe d’indivisibilité de la République, l’universalisme garantit théoriquement l’égalité universelle, quels que soient l’orientation sexuelle, le genre, l’origine, etc.
– L’orientation sexuelle fait partie des 18 critères légaux sur lesquelles les entreprises doivent veiller à la non-discrimination. Or, en 2016, le chercheur Thierry Laurent estimait qu’une personne faisant son coming out en entreprises perdait en moyenne 1200 euros par an en salaire par rapport à celle qui ne le faisait pas, et que les salaires des hommes homosexuels étaient en moyenne 5,5% plus bas que ceux des hétérosexuels. Il ne constatait pas de différences entre les femmes hétérosexuelles et les lesbiennes.
– Le Covid a entraîné une certaine régression de l’inclusion LGBT dans le milieu professionnel, selon l’étude annuelle du BCG sur le sujet.
– Le pinkwashing existe aussi en France.
– La Société Générale ou Aviva ont pris position en faveur de l’inclusion : la seconde a par exemple institué un congé de parentalité de 10 semaines pour tous les collaborateurs, quelle que soit leur orientation sexuelle.
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