5 infos pour réfléchir aux dimensions que prennent les guérillas numériques

1️⃣ Sur la dernière décennie, les réseaux sociaux sont devenus de véritables espaces de revendication politiques. Dans de nombreux pays, les citoyens se sont appropriés ces espaces en ligne, pour faire entendre leur voix, se coordonner, et changer l’ordre établi, avec ou sans réussite. Dès 2011, le Printemps arabe constitue une première révolution numérique, en faisant des réseaux sociaux, les vecteurs des contestations qui ont mené aux bouleversements politiques en Tunisie, en Égypte, au Maroc, en Libye, au Yémen, en Jordanie, en Syrie et au Bahreïn (📰Libération, 🔬Cairn). À Hong-Kong, en 2019, puis en Birmanie en 2021, les “militants du clavier” jouent un rôle primordial dans l’organisation des manifestations, face au pouvoir politique en place (📰Usbek&Rica, 📰Flint). 

2️⃣ Face à ces nouveaux défis en ligne, les partis politiques et gouvernements se sont eux aussi adaptés. Ils ont déployé des stratégies numériques pour occuper l’espace en ligne et s’affirmer face aux différents mouvements de contestation. On en parlait déjà ici, l’astroturfing est l’arme n°1 pour tout parti ou mouvement politique qui souhaite imposer son opinion et effacer les autres. Par l’utilisation de faux comptes notamment, ou en rémunérant des utilisateurs, il s’agit de simuler la spontanéité d’un mouvement, et son caractère majoritaire sur le réseau. Le podcast 📻“Le digital pour tous” revient sur cette notion et ses différentes applications. Le régime chinois, sud-coréen, le Pentagone, ou encore la République en marche en France ont, ou ont eu, recours à ces pratiques (📰L’ADN, 📰Les Inrockuptibles). Une enquête 🎥du Monde a récemment révélé les agissements similaires de Reconquête, le parti d’Éric Zemmour, durant la campagne présidentielle de 2022. 

3️⃣ Mais le champ politique n’est pas le seul champ de bataille en ligne. Depuis 2017 aux États-Unis, puis en France, le collectif Sleeping Giants interpelle sur Twitter les entreprises dont la publicité se retrouve sur des sites d’informations au discours violent et incitant à la haine. Le but : couper les ressources financières de ces médias, le plus souvent d’extrême-droite, pour limiter voire empêcher leur activité (📰Le Figaro, 📰Flint). Pour contrer ce collectif, un autre, “Les Corsaires” se donne pour mission depuis fin 2021 de défendre les marques pointés du doigt, et tout média, qu’importe sa ligne éditoriale. Cette “riposte” prend la forme de réactions coordonnées de plusieurs bénévoles du collectif sous le tweet du signalement (📰L’Express,📰 L’ADN). Une véritable bataille en ligne autour du financement publicitaire des médias conservateurs.

4️⃣ On en a régulièrement parlé dans notre série sur la modération des réseaux sociaux : les femmes sont particulièrement victimes de violences en ligne, sur fond de discours de haine et de harcèlement. Selon un sondage Ipsos, sur les 1008 personnes interrogées, 65% des femmes de moins de 35 ont subi du harcèlement en ligne (📰Libération). Elles sont souvent journalistes, militantes féministes ou même politiques. Face à ces menaces en ligne, de nombreux collectifs féministes ont vu le jour ces dernières années : on peut citer entre autres Stop Fisha, Décloisonons le féminisme, Balance ton agency, Aggressively trans, Féministes vs Cyberharcèlement… Ce cyberharcèlement touche également en grande partie les personnes racisées (71%) ou LGBTQIA+ (85%). Là aussi, des collectifs se sont montés et organisés pour gagner du terrain en ligne et empêcher l’invisibilisation de ces minorités (Rouge direct,   ). Toutes ces initiatives tentent d’inverser la tendance, en dénonçant publiquement les comportements problématiques en ligne, soutenir les victimes et éduquer les utilisateurs à ces dangers. 

5️⃣ Au-delà des réseaux sociaux, principal champ de bataille en ligne, Internet plus globalement constitue un terrain d’affrontement, où chacun tente de trouver la meilleure place, et d’y rester. Pour cela, une seule solution : maîtriser le référencement. Un seul expert dans ce domaine, c’est le moteur de recherche Google, la plus grande bibliothèque de sites internet au monde. Sauf que cette bibliothèque est loin d’être neutre et d’agir comme un simple recueil de sites, comme nous l’expliquions récemment. L’ordre des résultats n’est en aucun cas dû au hasard. La fonctionnalité de saisie semi-automatique lors d’une recherche, Google Suggest, est à l’origine de nombreuses dérives, qui influent sur la pertinence et l’ordre des résultats : suggestions de termes discriminants, racistes, homophobes ou misogynes, lissage des prédictions pour des recherches moins virulentes (📰Le Monde, 📰Slate, 📰The Wall Street Journal). Google est également connu pour exclure certaines recherches de la première page, la fameuse “liste noire”, et au contraire favoriser les plus grandes entreprises par rapport aux petites (📰L’ADN, 📰01Net).