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Faut-il utiliser Google dans l’enseignement supérieur ?

Faut-il utiliser Google dans l’enseignement supérieur ?

En bref :

L’enseignement supérieur et la recherche peuvent-ils utiliser sans risque les suites collaboratives d’un Microsoft ou un Google ? Réponse de la CNIL il y a deux mois : “franchement, bof, il y a quand même un vrai risque d’accès illégal aux données” (je reformule). Un élément de plus dans un débat récurrent, notamment poussé par la communauté du logiciel libre. 

Pourquoi c’est intéressant ? Parce que, même si elle concerne un secteur spécifique, cette controverse soulève des questions que nous, utilisateurs de suites bureautiques américaines, sommes toutes et tous amenés à nous poser un jour, aussi bien point de vue économique que sécurité et protection des données.

Les faits : 

– Le 27 mai, la CNIL a répondu à la saisine des Conférence des grandes écoles et des présidents d’universités sur l’utilisation des “suites collaboratives pour l’éducation” que proposent des sociétés comme Google ou Microsoft. Elle pousse à changer d’outils. 

– Le 16 juillet 2020, la Cour de Justice Européenne (CJUE) invalidait le Privacy Shield, censé encadrer la gestion des données des internautes européens par des acteurs américains. Selon la CJUE, la surveillance exercée par les services de renseignements américains contrevient au RGPD et à la Charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne, et ne permet pas de réel recours, d’où l’invalidité de l’accord pris en 2016. C’est cet arrêté “Shrems II” qui a motivé les questions posées à la CNIL. 

– Le Président Biden voudrait travailler à l’amélioration des relations entre l’Union Européenne et les États-Unis sur la question des données, selon Politico.

– Le contexte de pandémie a accru l’usage de toutes sortes d’outils numériques, souvent fournis par des entreprises américaines. La plupart ont des politiques de confidentialité plutôt souples – en avril 2020, Consumer Report montrait que les outils de visioconférence de Google et Microsoft pouvaient par exemple enregistrer le contenu des discussions en cours ou entraîner des algorithmes de reconnaissance faciale sur les visages des utilisateurs.

🇺🇸 Pour l’usage d’outils américains

–  En 2010, l’arrivée de Google dans le milieu universitaire signifiait, aux yeux de la Ministre de l’époque Valérie Pécresse, des opportunités de financement et de recrutement.

– Gmail et Outlook/Hotmail (Microsoft) fournissent respectivement 27 et 26% des adresses mails françaises, Google détient 92% du marché de la recherche en ligne… Les outils de Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft (GAFAM) ont l’avantage d’être largement connus, donc simples à adopter dans la recherche ou l’éducation.

– Les GAFAM proposent leurs services dans différents buts : pour fidéliser des clientèles jeunes, pour collecter leurs données à des fins publicitaires, ou encore pour les analyser puis créer de nouveaux services dédiés à l’éducation. 

🛡️ Contre l’usage d’outils américains

Ces services sont américains, aussi la CNIL considère-t-elle qu’ils posent des “problématiques de plus en plus prégnantes relatives au contrôle des flux de données au niveau international, à l’accès aux données par les autorités de pays tiers, mais aussi à l’autonomie et la souveraineté numérique de l’Union européenne”.

– Le CLOUD Act (Clarifying lawful overseas use of data act) adopté en 2018 permet aux autorités américaines de demander aux opérateur télécoms comme aux fournisseurs américains de services basés sur le cloud d’accéder aux informations qu’ils stockent sur leurs serveurs, y compris si ces serveurs sont en dehors du sol américain. 

– Parmi les données que la CNIL souhaite protéger : des données personnelles, potentiellement de santé, des données sensibles (relatives à des mineures), ou encore des données stratégiques, lorsqu’elles sont issues de la recherche. 

– Pour la communauté du logiciel libre (logiciels distribués gratuitement, au code source ouvert donc vérifiable), notamment française, il s’agit aussi d’un enjeu économique

– L’EdTech (la technologie pour l’éducation) est un marché en plein développement, qui pèse actuellement 650 millions d’euros et 7 000 emplois en France, or les GAFAM y prennent des parts de marché.

👩‍🏫 Historique du débat

– Pour l’Éducation nationale, le débat sur les outils à utiliser remonte au moins à 1997 et aux premiers partenariats passés entre le ministère et Microsoft. L’association Framasoft, promotrice du logiciel libre en France, lutte avec d’autres contre l’usage de logiciels propriétaires, souvent américains, dans l’enseignement. En 2015, le sujet avait pris une nouvelle ampleur alors que l’Éducation nationale signait un large accord avec Microsoft. Plusieurs associations défenseuses du libre sont revenues à la charge en 2017, lorsque le gouvernement a autorisé l’usage des services des GAFAM à l’école.
 
– Pour le supérieur, la CNIL a déclaré qu’elle laisserait un certain temps pour que les établissements s’adaptent et qu’elle les aiderait à identifier les fournisseurs de services sécurisés. En attendant, la carte Dégooglisons internet de Framasoft rassemble des équivalents libres à une bonne partie des services qu’on utilise sous forme de logiciels propriétaires par réflexe et cette liste établie par un de nos lecteurs aussi.

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