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La blockchain pour ceux qui n’y connaissent rien (et pour les autres aussi)

La blockchain pour ceux qui n’y connaissent rien (et pour les autres aussi)

À quoi sert la blockchain ? Quelle est l’idée derrière cette techno qui fait tant parler ces dernières années, comment fonctionne-t-elle, à quoi sert-elle ? Avec ce newskit, Flint te donne quelques outils pour en débattre en toute connaissance de cause, avec qui tu le souhaites. C’est le premier d’une série dans laquelle nous explorerons avec toi les cryptomonnaies, les NFT, les smart contracts… Bref, dans laquelle on cherchera aussi bien à comprendre de quoi il retourne qu’à détecter le bullshit quand il s’agit de parler de chaîne de blocs. 

💡Pourquoi c’est intéressant ? Parce que s’il s’agit d’une technologie numérique pointue, l’usage de la blockchain a des effets très réels et très discutés sur certains pans de l’économie, de la finance comme sur l’environnement.

Les faits : 

Pas le temps de tout lire ?
Ici tu peux apprendre comment ça fonctionne (blockchain et protocoles de consensus)
Là, tu en sauras plus sur les débats qui entourent cette techno (buts et critiques)
Là, tu trouveras un rapide tour des applications possibles
Et tout à la fin, des liens vers d’autres épisodes et l’accès au brouillon, au cas où tu veux faire des suggestions

⛓️ Comment ça marche ? 

– Une blockchain est une sorte de “grand cahier informatique, partagé, infalsifiable et indestructible », selon l’illustration du mathématicien Jean-Paul Delahaye (voir aussi Réalités Industrielles). Le fonctionnement de ces technologies recouvre deux dimensions importantes : celle de base de données, qui rassemble l’information, et celle de sécurisation, par la cryptographie (la protection de l’information par chiffrement mathématique).

– En pratique, chaque blockchain a son propre fonctionnement, qu’on appelle protocole, mais sur le fond, elle consiste toujours en une base de données répliquée et distribuée (d’où le nom technique “technologie de registre distribué”). Ce sont des chaînes dont chaque maillon contient une partie des actes réalisés jusque-là (par exemple, pour une transaction : qui achète, qui vend, pour combien, et la sécurisation elle-même. En effet la création du bloc, ou du maillon, vient certifier que l’échange a eu lieu tout en en chiffrant les détails). 

– La création et la certification d’un nouveau bloc d’information se fait de manière différente selon le type de blockchain. On parle de différents modes de preuves, ou différents protocoles de consensus (EcoInfo CNRS). Les plus connues sont la “preuve de travail” (proof of work, POW), utilisée pour le Bitcoin, et la preuve d’enjeu (proof of stake, POS). 

Ce rapport sénatorial de 2018 liste aussi la preuve de possession, la preuve d’utilisation, preuve d’importance, etc. Ce sont autant de modalités différentes, pour les utilisateurs d’une même blockchain, de se mettre d’accord sur le fait que les informations sont enregistrées, les transactions effectuées et que ces données ne sont plus modifiables. 

🔎 Preuve de quoi ? 

Parmi les différents systèmes de preuve existants, deux sont particulièrement utiles à connaître, notamment pour aborder les discussions environnementales. 

– Quand on vous parle de mineurs ou de minage, au sujet des crypto-monnaies, on parle en fait de preuve de travail. Il s’agit du procédé au cours duquel des mineurs (“les comptables qui enregistrent chacune des transactions”, selon Business AM) participent à une compétition cryptographique pour certifier un bloc. Le premier qui réussit à résoudre l’algorithme de preuve valide le bloc sur lequel il travaille et reçoit une contrepartie (des bitcoins sur le protocole Bitcoin, des éthers sur le protocole Ethereum, etc) à son travail.

– La preuve d’enjeu fonctionne différemment : il s’agit de montrer son engagement dans le protocole étudié pour avoir ensuite le droit de certifier des blocs. Au lieu de dépenser du temps et de l’argent dans du matériel permettant de résoudre des algorithmes, le participant met en jeu une partie de la cryptomonnaie qu’il possède, pour souligner son engagement, et tenter d’être choisi comme certificateur du prochain bloc. Ethereum a annoncé vouloir migrer vers un système de preuve d’engagement en 2020, notamment pour réduire son impact écologique, mais celle-ci a pris du retard (Cryptoast, JDN, Numerama). 

🙋 Qui peut utiliser des blockchains ? 

Il existe différents types de blockchains, explique l’informaticien Pierre Boulet

– les publiques, comme le Bitcoin, auxquelles n’importe qui peut participer. Ce sont celles qui impliquent le plus d’acteurs, demandent le plus de sécurité et font globalement le plus parler. 

– les technologies de consortium, comme le Diem de Facebook (JDN), ou Aura pour LVMH, Prada et Richemont (Capital). Dans ce cas-là, généralement, seuls les membres du consortium ont accès à l’intégralité des données stockées sur la chaîne. 

– les blockchains privées, contrôlées par une seule entité, entreprise ou particulier. Celles-ci ressemblent plus à des bases de données traditionnelles, répliquées plusieurs fois.

🌐 Passion décentralisation 

– Né juste après la crise financière de 2008, le protocole Bitcoin a été révolutionnaire pour l’expansion de la technologie blockchain, même si celle-ci existait en germe depuis plus de dix ans. Personne n’a rencontré Satoshi Nakamoto, le créateur de Bitcoin, ce qui lui donne une aura mythique (Numerama). Ce dernier a néanmoins clairement expliqué lancer sa blockchain et la monnaie qui lui est liée pour permettre les échanges de pair à pair, sans passer par des intermédiaires financiers, selon La Tribune. Cette recherche de décentralisation est inscrite au cœur de beaucoup de projets reposant sur des blockchains. 

– Doctorant en sociologie de l’innovation, Clément Gasull inscrit cette idéologie dans le courant du cyberlibertarisme, qui consiste, résumé grossièrement, à ne vouloir aucune régulation sur Internet.

– Un peu différemment, la décentralisation de la blockchain est parfois considérée comme une opportunité démocratique – ici dans un argumentaire de la chercheuse en sciences de l’information Luisa Fernanda Betancurt Rios

Quels risques, quelles critiques ? 

– La preuve de travail est très efficace en termes de sécurisation (le bitcoin n’a jamais été attaqué avec succès), mais elle demande toujours plus d’énergie, à mesure que de nouvelles personnes (en l’occurrence, explique Blockchains-expert, de nouvelles capacités informatiques) sont ajoutées dans la compétition. Nous avons décortiqué le débat sur l’impact écologique du bitcoin dans ce kit

– Paradoxalement, le besoin en énergie pourrait, à terme, remettre en question la sécurité d’une chaîne comme Bitcoin : les mineurs se réunissent en fermes de minage toujours plus grandes. Si l’une d’elle obtient plus de 51% de l’énergie nécessaire pour vérifier un bloc, elle aura, de fait, possibilité d’influer sur la confirmation ou non des blocs d’information. 

– Couplée à une monnaie numérique d’État, ou utilisée à des fins malveillantes, explique Cryptoast, l’usage d’une blockchain pourrait représenter une menace pour les libertés et la vie privée, puisqu’elle permet de tout enregistrer. D’ici là, selon Forbes, c’est surtout l’absence de réglementation qui peut constituer un risque. 

– Certains observateurs critiquent par ailleurs l’écart entre le discours très libertaire, axé sur la décentralisation pour tous, et la réalité, qui consiste pour le moment à permettre l’enrichissement d’un très petit nombre, grâce à de la spéculation sur le bitcoin et autres crypto-monnaies (dans cette chronique de 2018 par exemple). 

🔗 Quelles applications possibles ? 

– Les crypto-monnaies, qui reposent sur des blockchains, permettent des expérimentations en dehors du système monétaire traditionnel (un kit est à venir sur le sujet), dans le domaine du paiement et, par extension, dans toutes les activités financières. 

– Les actes enregistrés sur des blockchains ne sont pas forcément des transactions monétaires : elles peuvent aussi servir à sceller des contrats, voire à gérer des circuits logistiques en suivant les différentes étapes de production et de stockage d’un produit (Le Monde Informatique). 

– Les NFT – Non Fungibles Tokens, jetons non fongible – permettent pour la première fois de certifier sa propriété sur un objet numérique, explique Numerama (a rebours d’une tendance plutôt prononcée, sur le web, pour le travail commun à la Wikipédia, à la reprise, au remix, etc). 

– Comme l’écrit un de nos lecteurs, “la diversité des applications blockchain n’a de limite que l’imagination de ceux qui les mettent en œuvre” : on en trouve aussi dans le domaine de l’éducation (Beincrypto, Silicon), de la santé (Le Figaro, Village-Justice), etc. Si le monde de la finance en est pour le moment le principal utilisateur, l’association Blockchain for good répertorie des applications dans toutes sortes d’industrie. 

– Comme les cas d’usage de la blockchain se multiplient, un marché de fournisseurs de blockchain-as-a-service (un peu comme celui de fournisseur de cloud) se développe, explique mind Fintech (€). On y retrouve Microsoft, Oracle, Alibaba Cloud, et d’autres.

Quelques sources supplémentaires

“Comment fonctionne une blockchain”, par l’Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique, INRIA

“Les enjeux des blockchains”, rapport de France Stratégie, institution créée en 2012 et rattachée au Premier ministre (ici le détail de sa mission)

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