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Crypto-monnaie ou monnaie traditionnelle ?

Crypto-monnaie ou monnaie traditionnelle ?

En bref :

Quels avantages y a-t-il à utiliser des crypto-actifs plutôt que de l’argent traditionnel ? Quels inconvénients ? Le bitcoin, l’ethereum et les autres devises numériques revenant toujours plus fréquemment dans l’actualité, il semble plus que temps d’aller fouiller le sujet.

💡 Pourquoi c’est intéressant ? Parce que le fonctionnement des crypto-actifs soulève quantité d’enjeux importants : échanges monétaires, échanges d’information, certifications, décentralisation, énergie. 

Les faits : 

🧑‍🏫 Quelques bases

– La monnaie fiat, du latin “fiat lux”, “qu’il soit fait”, est la monnaie dont la valeur et le cours légal sont fixés par un gouvernement ou une institution, selon Futura Sciences. Tiré de l’anglicisme fiat money, l’expression monnaie fiat est couramment utilisée pour nommer les monnaies traditionnelles, par opposition aux crypto-actifs.

– Les crypto-actifs tirent leur nom de l’usage systématique de cryptographie (protection de l’information par chiffrement mathématique) dans leur gestion. Ils fonctionnent grâce à des technologies de blockchains, ou registres décentralisés, dont nous détaillons le fonctionnement et les enjeux ici.

– Pour l’Autorité des Marchés Financiers (AMF), les crypto-monnaies sont des actifs numériques. La Finance pour Tous explique que le qualificatif de monnaie est discuté pour les crypto-actifs parce qu’elles n’ont pas de cours légal (les commerçants ne sont pas obligés de les accepter, aucune banque centrale n’en garantit la valeur), ni ne sont de réserves sûres de valeur (leur volatilité est souvent très haute). 

– Dans le système monétaire traditionnel, n’importe qui peut théoriquement échanger de l’argent contre des biens. Dans les faits, les banques, les fournisseurs de cartes de crédit et d’autres tiers peuvent contrôler qui utilise leurs systèmes de paiements et comment, explique le New-York Times (🇺🇸).

D’après CoinMarketCap, il existe 11 727 cryptomonnaies au 7 septembre 2021, contre 5 693 le 16 juillet.  

⛓️ Pour l’usage de crypto-monnaies

– Dans le livre blanc à l’origine du Bitcoin, le créateur du protocole, Satoshi Nakamoto, a clairement expliqué vouloir passer outre les intermédiaires financiers (La Tribune). Si ce projet est aussi critiqué (ici dans Usbek & Rica), il résonne avec des idées libertaires voire libertariennes relativement courantes dans le monde numérique (voir Culture Numérique (€), Internet Actu, Le Temps). 

– Créée juste après la crise de 2008, gagnant de la popularité au fil de la décennie passée, les crypto-actifs sont vus par certains comme une valeur refuge, explique ici l’économiste Nathalie Jean, une sorte d’or numérique. Longtemps utilisés quasi exclusivement pour des transactions illégales, ils commencent à être acceptés par quelques marchands, notamment numériques (Overstock, Shopify, Paypal). Vu leur volatilité, explique Europe 1, leur usage principal reste de l’ordre de l’investissement financier à haut risque. 

– L’essor des crypto-actifs et leur acceptation progressive par les acteurs traditionnels motivent la construction rapide et la consolidation du marché de la “DeFi”, finance décentralisé, explique mind Fintech, qui propose déjà crédits, produits d’épargne, etc.

⚒️ Contre l’usage de crypto-monnaies

– Les crypto-monnaies sont associés à différents types de risques listés ici par l’Autorité des marchés financiers québécoise : risque de volatilité et de liquidité (on ne peut pas s’en servir partout pour payer), risques technologiques (en cas de piratage ou de vol des porte-monnaies électroniques où elles sont stockées), risque juridique faute d’être encadrées partout dans le monde, risque de participation à des activités frauduleuses. 

– Miner les crypto-monnaies les plus connues (Bitcoin, Ethereum) devient extrêmement coûteux en énergie. Cela implique d’une part que les particuliers ne puissent quasiment plus le faire (le matériel et l’électricité nécessaires coûteraient trop chers), d’autre part que de grandes fermes de minages se créent (lire notre kit).

– Ces fermes de minages mettent aussi en danger l’aspect décentralisé du Bitcoin ou des crypto-actifs similaires, dans la mesure où, à terme, un seul acteur pourrait gérer suffisamment d’énergie pour prendre le contrôle de la blockchain et y modifier des transactions (voir par exemple Crypto.net et un avis tempéré par la plateforme d’échange de cryptomonnaies Coinhouse)

Pour David Golumbia, qui travaille sur les liens entre politique et technologie, l’idéologie derrière une monnaie comme le Bitcoin est en fait profondément anti-démocratique : elle baigne dans des racines anarcho-capitalistes, ancrées très à droite et est pour la disparition des gouvernements.

🏦 Quelle place pour les banques ?

– Le fait de pouvoir créer de la monnaie a toujours eu une dimension politique. Cela a longtemps été synonyme d’affirmation de la souveraineté d’un pays, d’un pouvoir (voir par exemple Université Toulouse Jean Jaurès, Politique internationale). L’euro ou le franc CFA sont des cas qui viennent nuancer cette première définition puisque l’un n’a pas été créé par un pays unique, l’autre est une résurgence de la colonisation française.

– Point de vue énergétique, les plus grosses critiques adressées au monde bancaire concernent les entreprises auxquelles elles prêtent, conglomérats pétroliers en tête (BBC 🇬🇧). Bloomberg (🇺🇸) rapporte ainsi que les émissions de gaz à effets de serre dégagées par leurs activités de prêts et d’investissements sont 700 fois plus élevées que ce qu’elles provoquent directement (via leur bureaux, produits type carte bancaire, etc). 

– Les risques associés à la monnaie traditionnelle touchent moins directement les particuliers que ceux relatifs aux crypto-actifs. Une partie du travail des banques consiste à gérer le risque de fraude, ce qui explique qu’elles compliquent l’accès de certains acteurs à leur service (lire ce kit). Néanmoins, les FinCEN Files (ICIJ🇺🇸, Le Monde €) montrent que les banques restent poreuses au blanchiment.

– Les banques centrales de nombreux pays réfléchissent à créer des versions numériques de leur monnaie fiat, des monnaies digitales de banque centrale (voir par exemple la Banque de France, Banque des règlements internationaux 🇬🇧, Deloitte). Celles-ci répondraient à deux grands types de cas d’usage, explique le JDN : une monnaie de détail, pour le grand public, qui répondraient aux usages classiques de transactions entre personnes, et une monnaie de gros, accessible uniquement aux banques, pour le règlement et la livraison d’actifs. La Chine expérimente déjà un yuan numérique, qui pourrait notamment lui servir à amoindrir le pouvoir des deux géants du paiement en ligne Alipay et WeChat pay, mais celle-ci fonctionne sur un registre centralisé, explique Siècle Digital

🔭 Pour élargir le débat 

– Vu sa qualité de première crypto-monnaie quasi mythique, sa haute volatilité et son coût énergétique, l’usage du bitcoin plutôt que d’autres crypto-actifs est un débat en soi (dont une petite partie se déroule ici sur Twitter). 

– Il existe des crypto-actifs moins volatiles que le bitcoin ou l’ethereum, qui répliquent le cours de l’euro, du dollars ou du yen. On les appelle des stablecoins, explique le JDN

– Il existe aussi des crypto-monnaies plus respectueuses de l’environnement, ici listées par LeafScore (🇺🇸).

– Facebook lui-même a lancé son projet de crypto-monnaie, le Libra, qui devait permettre d’avoir une monnaie d’échange stable au sein d’un réseau privé, utilisable auprès des entreprises participantes. Devant la levée de bouclier des régulateurs et des banques, le projet a muté. Il s’appelle désormais le Diem et s’est rapproché d’une banque américaine, expliquent Les Echos et Usbek & Rica.

– Le but est-il de faire du trading, comme le suggère un twitto, et de dégager du profit, ou d’avoir une monnaie stable indexée sur des biens réels ? Selon la réponse adoptée, l’opinion sur l’utilité de certaines cryptomonnaies, et notamment du bitcoin, pourrait varier.

– En juin 2021, le Salvador a passé une loi selon laquelle il accepte désormais le Bitcoin comme monnaie légale, rapporte CNBC (🇺🇸). Celle-ci est entrée en application début septembre, malgré des controverses que détaille Wired (🇺🇸).- La perspective de monnaies de banques centrales, en particulier celle en cours de développement en Chine, tourne totalement le dos à l’idéologie libertaire inscrite dans une crypto-monnaie comme le bitcoin, expliquent Les Échos (€) et Siècle Digital, et inquiète même les observateurs pour la surveillance qu’elle facilitera.

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